L’ACCIDENT DE PIANO
Magalie est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus choc sur les réseaux. Après un accident grave survenu sur le tournage d’une de ses vidéos, Magalie s’isole à la montagne avec Patrick, son assistant personnel, pour faire un break. Une journaliste détenant une information sensible commence à lui faire du chantage… La vie de Magalie bascule.
Critique du film
Avec L’Accident de piano, Quentin Dupieux poursuit son entreprise de déconstruction absurde du réel avec une légèreté désormais mécanique, presque automatique. Une fois encore, le cinéaste semble plus préoccupé par le plaisir ludique d’écrire une situation incongrue que par la nécessité d’en faire un film — un vrai, un qui raconte quelque chose, qui ose se risquer ailleurs que dans l’anecdotique et le discours méta bas du plafond.
Un concept, un gag, un film. Voilà le triptyque de travail que semble suivre Dupieux depuis plusieurs années dans une fuite en avant créative où la quantité semble l’avoir emporté sur la densité. L’Accident de piano, comme Mandibules, Daaaaaali ou Le Deuxième acte, s’appuie sur un postulat saugrenu (ici, un banal accident de piano déclenche une chaîne d’événements absurdes) qui tiendrait à peine la longueur d’un court-métrage, ici étiré au-delà du temps réglementaire. Il en résulte un objet inconsistant, un peu drôle occasionnellement, vaguement malin à d’autres moments, mais aussitôt oublié.
Dupieux continue de brouiller volontairement les pistes narratives, de forcer les gimmicks et l’antipathie de ses personnages, de désamorcer systématiquement l’émotion ou la tension par une pirouette méta. Mais à force de casser les jouets avant même d’y avoir joué, son cinéma s’apparente de plus en plus à un exercice de style fatigué, prisonnier de sa propre ironie. Ce n’est plus un jeu, c’est un tic.
Ses personnages — ici encore, réduits à des figures schématiques et grotesques — n’existent que pour réciter un texte volontiers abscons ou maniéré. Le talent d’Adèle Exarchopoulos permet d’insuffler un semblant de chair à son rôle, mais sa Magaloche se heurte à un mur d’indifférence narrative : tout est fait pour empêcher l’émotion, l’adhésion, la surprise. On ne regarde pas un film, on assiste à un numéro.
Et pourtant, le pire n’est peut-être pas cette légèreté, cette paresse qui frôle la désinvolture, mais la posture de suffisance tranquille dans laquelle Dupieux semble s’installer ces dernières années. À raison d’un film tous les six à huit mois, il a transformé l’absurde en méthode industrielle, où chaque nouvelle sortie donne l’impression d’un chapitre de plus dans un journal intime de l’ennui amusé. Comme si au lieu de chercher le cinéma, on se contentait désormais de célébrer l’auteur. Un auteur qui semble dire : « Regardez comme je peux faire un film à partir de pas grand chose. » Avec l’insignifiant L’accident de piano, il a visiblement atteint son objectif.
Bande-annonce
2 juillet 2025 – De Quentin Dupieux