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DAAAAAALI !

Une journaliste française rencontre Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire. 

Critique du film

Seulement quelques mois après nous avoir raconté la révolution d’un spectateur dans une salle de théâtre, le stakhanoviste de l’absurde Quentin Dupieux revient avec un projet d’envergure : dédier un film autour de la figure du surréalisme Salvador Dali. Un anti-biopic décalé, où l’inconscient amuse et interpelle sur le mythe de l’artiste.

Un pneu qui tue par le biais de la pensée, un homme de Melun qui interrompant les règles de bienséance au théâtre, un barracuda sur une poêle qui raconte une histoire à un Power Rangers : toutes ces situations étranges imaginées par Quentin Dupieux auraient eu leur place dans le mouvement surréaliste. Rien de plus cohérent que de retrouver la mythique figure de Dali au sein de son cinéma. Et pour représenter l’une des égéries du surréalisme à l’écran, le cinéaste ne va pas faire les choses à moitié : pas moins de cinq comédiens vont incarner l’artiste. Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmai, Gilles Lellouche et Didier Flamand s’amusent alors à jouer une seule et même personnalité commune en incarnant Dali. Rien ne change, et pourtant tout change. De manière paradoxale, ce changement de casting, qui ne pourrait pas avoir de sens tant ils jouent tous de la même manière, suit la logique suivante : tout le monde peut être Dali. Tout le monde peut être un artiste et obtenir la même renommée qu’un artiste de légende. 

À côté de l’absurdité toujours bien huilée du cinéaste, notamment lorsqu’il est question d’un running-gag bunuelien fondé par le rêve étrange d’un prêtre, il y a ce propos en fil rouge, assez touchant, sur la faculté de créer quelque chose. Une ex-pharmacienne devenue journaliste (jouée par Anaïs Demoustier, pour sa quatrième collaboration avec le réalisateur), décide de partir à la rencontre de Dali pour d’abord écrire un article, puis faire un documentaire avec « la plus grosse caméra » par la suite.

dali dupieux

Ce postulat apparaît comme un prolongement d’une thèse montrée dans Yannick ; face à une institution ou une célébrité, n’importe quel individu devrait pouvoir tenter sa chance dans l’art. Dans ce propos dilué dans une absurdité amusante, les angoisses et troubles du monde pointent subitement le bout de leur nez. Notamment lorsqu’il va falloir confronter l’idéalisme de la journaliste à la toxicité d’un artiste érigé en une sorte de divinité mégalomaniaque, ou bien du patriarcat dans l’industrie du cinéma français (Romain Duris, en très grande forme pour jouer un producteur imbuvable).

Si l’on retient avant tout les interprétations exagérées des avatars de Dali et les gags burlesques, on est très vite rattrapé par un réel placé (in)consciemment.  Cette gravité nous ramène les pieds sur terre dans le cinéma de Dupieux, qui n’a de cesse de surprendre et d’éviter les répétitions. La mécanique surréaliste pourra rappeler Réalité, où s’emboîtaient les inconscients et troubles des uns et des autres, telles des poupées russes pour faire perdre la tête d’Alain Chabat et du public. Mais on se rend très vite compte, depuis quelques films, que nous assistons à un travail artistique en perpétuel remodelage. Une œuvre qui veut avant tout se montrer généreuse en terme de trouvailles délirantes , mais qui ne perd pas de vue une dimension sociale sous-jacente.

Bande-annonce

7 février 2024De Quentin Dupieux, avec Anaïs DemoustierGilles LelloucheEdouard Baer




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