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PARTIR UN JOUR

Alors que Cécile s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Loin de l’agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

Critique du film

Avec son premier court de fiction, déjà intitulé Partir un jour, Amélie Bonnin avait charmé public et critique, décrochant au passage le très enviable César du meilleur court-métrage en 2021. Cette première excursion fictionnelle réussissait admirablement, en une vingtaine de minutes, à convoquer la nostalgie sans tomber dans la mièvrerie, à travers un moment suspendu : le retour d’un homme, Julien (Bastien Bouillon), dans son village d’enfance à l’occasion d’un déménagement familial. Sa rencontre avec Caroline (Juliette Armanet) — son amour de jeunesse — agissait comme un révélateur de tout ce qu’il avait perdu en montant à la capitale et de ce qui aurait pu être.

Désir ou amour ?

L’excitation et la curiosité étaient indéniablement palpables lorsque sa version longue obtenait le créneau convoité mais risqué du film d’ouverture de la nouvelle édition du festival de Cannes. Au-delà de l’audace d’un tel choix, ce positionnement risquait de décupler les attentes et, par le même biais, de susciter une attente disproportionnée. Au-delà de la forte exposition, le passage au long comportait aussi des risques de redite. Pourtant, dès les premières minutes, l’inquiétude se dissipe, Amélie Bonnin ayant opté pour une réécriture,  voire une réinterprétation : pari gagnant.

Partir un jour

Changeant de point de vue (le court suivait celui du personnage masculin campé par Bastien Bouillon, le long adopte celui de la protagoniste féminine, toujours interprétée par Juliette Armanet) et ainsi de scénario, Partir un jour trouve rapidement un bel équilibre entre une écriture sensible et des dialogues simples qui sonnent justes, ainsi qu’une galerie de personnages secondaires et de sous-intrigues plus étoffées. Cette fois, ce n’est pas un écrivain qui revient chez ses parents, c’est une cheffe très prometteuse, gagnante de Top Chef, qui revient (brièvement) sur ses terres d’enfance suite au nouvel AVC de son père. Elle est sur le point d’ouvrir son restaurant gastronomique parisien, lui rechigne à fermer son relais routier et prendre sa retraite.

Alors on danse…

C’est au bord d’un lac que les deux amoureux de jeunesse se recroisent. Alors qu’elle fuit brièvement l’aigreur entêtée de son père, Cécile échange quelques banalités avec celui qui lui plaisait tant au lycée. Quelques souvenirs, une soirée festive et le lien qui les rapprochait resurgit, pas complètement intact, mais toujours latent. Il n’a pas tant changé, elle si. Il est resté, elle est partie. Et pourtant… Certains mots sortent, traduisent un embarras et laissent deviner doutes et cicatrices pas complètement refermées. Puis en arrivent d’autres, de ceux qu’on n’ose pas se prononcer, qui restent au bord des lèvres, qu’on fredonne discrètement ou que l’on scande, plus ou moins sérieusement, reprenant quelques refrains populaires.

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Le temps qui passe, les choix et les regrets. Ces thématiques, Amélie Bonnin les place au coeur de son récit, sans chercher à outrepasser son économie de moyens. Cette légèreté, qui faisait déjà le charme du court-métrage, se retrouve dans cette nouvelle variation sentimentale et musicale, avec toujours cette capacité à saisir la poésie et le trouble d’un moment fugace, d’une maladresse ou d’un sentiment doux-amer. Mais la cinéaste n’oublie pas que, derrière le lyrisme et la comédie, la vie se fait parfois plus grave. Outre la santé du père de Cécile, la prometteuse cuisinière sera confrontée à une discussion qu’elle ne pensait pas nécessaire, mais qui sera l’occasion de réaffirmer sa liberté de femme.

Oublier ton image, sans se retourner

Sans jamais trop en faire, en réinventant sa propre création tout en étoffant ses enjeux, Partir un jour conserve sa dimension modeste mais irrésistible, singulière et touchante. Se refermant sur un épilogue d’une belle et juste simplicité, sa comédie romantique, délicieusement anachronique, confirme qu’il faudra compter sur Amélie Bonnin pour ressentir et rendre compte des battements secrets du cœur humain.

Bande-annonce

13 mai 2025 – D’Amélie Bonnin

Avec Juliette ArmanetBastien BouillonFrançois Rollin, Dominique Blanc