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AU POSTE !

Un régal

Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.

Coup de théâtre.

Les opérations promo se suivent et se ressemblent, les questions tournent en rond et répètent à l’envi les mêmes interrogations plates dignes des plus belles fraîcheurs des premières pages de dossiers de presse. Comment Au Poste ! s’inspire-t-il des comédies françaises des années 80 ? Pourquoi Quentin Dupieux, aka Mr. Oizo, artiste électronique avant tout (tout le monde le sait) qui a connu le succès avec un sample accéléré de The Fatback Band (tout le monde ne le sait pas), a-t-il délaisse les chères terres américaines pour revenir dans cette morose France, terre maudite pour ceux qui y résident, boudant par envie d’ailleurs une patrie que l’ailleurs nous envie ? Et le retour en grâce de Poelvoorde ? Et le trajet YouTube – Ciné de Ludig ? Et Monsieur Fraize, il est drôle Monsieur Fraize, il joue sur les silences et les gênes des spectateurs. Que d’eau.

Il y a pourtant un élément que martèle Dupieux durant tous ses entretiens qui devrait attirer notre attention plus que tout. Dans les comédies qu’il prend en référence, même les ratées, les ringardes, il y a un amour de l’image, du son, des éclairages, du décor. Dans celles qui ne font pas rire, elles contribuent au moins à voir passer devant soi une époque révolue ou des personnages obsolètes. Dans celles qui font rire, elles s’élèvent au rang de culte, qu’on revoit pour des répliques bien senties qui marchent et marcheront encore, mais aussi pour leur capacité à transcender l’humour et le cinéma en ce qu’ils ont de plus beau : assumer qu’on ne les aime que parce qu’on est terrifiés de la solitude et de la mort.

Moteur : dialogue

Deux paragraphes, maintenant trois, et Au Poste ! n’est toujours pas au cœur de la préoccupation de cet article. En même temps, soit vous lisez après avoir vu le film, soit vous allez le voir en ayant déjà plus des deux-tiers de la filmo de Oizo derrière le gosier : le Français a une fanbase particulièrement consciencieuse. Il faut dire qu’on est plutôt d’accord avec le commissaire Buron (Poelvoorde) : elle est plutôt chiante, cette histoire. Celle d’un type, Fugain (Ludig), en interrogatoire pour avoir trouvé un cadavre en bas de chez lui. Interrogatoire qui s’éternise, au gré du récit de la nuit d’un type qui a fait sept aller-retours de son appartement jusqu’en bas de chez lui, et qui va devoir bien malgré lui détailler chacun de ces va-et-vient.

Comme Blier, qu’il cite en référence parce qu’il en adore la filmo, comme Ben Wheatley, qu’il ne cite pas mais que moi je cite, na, parce que j’en adore la filmo et que je pense que ça a un rapport, Dupieux est tellement prêt à tout pour le verbe qu’il est prêt à sacrifier l’action et le bon sens. D’aucuns parlent de ces œuvres, trois auteurs cités confondus, comme de l’amour de l’absurde. Que dalle : l’absurde n’est qu’un prétexte, au mieux un moyen, jamais une fin. On ne compte pas tant de gags visuels que ça dans Au Poste !, digne héritier de cet humour français qui ne sait pas fermer sa gueule. Alors, comme Jean Carmet (je crois) dans Buffet Froid qui exclame son emmerditude dès lors que plus personne, même les oiseaux, ne becte, le mot revêt ici la parure des rois.

On en retrouve tous les attributs. Le blanc de la pureté, celle d’un Poelvoorde couronné noble seigneur des insupportables. Les bleus de la police, qui correspondent aux bleus du cinéma : Grégoire Ludig qui fait plaisir comme un Youtubeur qui a enfin compris que point trop n’en faut. Monsieur Fraize qui prouve une deuxième fois de suite après Problemos qu’il est tellement balaise que son humour est plus fort que la mort. Sans passer tout le monde en revue, le casting est doux comme un velours, la direction des talents comme sceptre garant du rythme – une direction qui fait passer des prises 30 fois répétées pour des instants d’improvisation.

Alors on ne parle pas beaucoup du film, mais s’évertue-t-on à détailler l’intrigue et la photo du Père Noël est une Ordure ou des Secrets Professionnels du Docteur Apfelgluck ? Hé bien alors. Au Poste ! est un régal de simplicité pour le critique fatigué, pour le penseur flemmard, pour le jouisseur de l’instant qui n’a que faire des lexiques verbeux et des alexandrins condescendants, de ceux qui pensent tellement le vrai qu’ils finissent par donner dans le faux. Quentin Dupieux a commencé sa carrière de cinéaste avec un non-film : il permet à tous les scribouillards de rendre désormais fièrement des non-critiques.

La fiche
au poste affiche

AU POSTE !
Réalisé par Quentin Dupieux
Avec Benoit Poelvorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier…
France – Comédie

Sortie : 4 juillet 2018
Durée : 73 min




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