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LE DEUXIÈME ACTE

Florence veut présenter David, l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part.

Critique du film

Inaugurant la 77ème édition de son Festival, Cannes souhaite s’amuser du cinéma d’auteur qu’il met en vitrine à un niveau international en invitant le réalisateur Quentin Dupieux à présenter sa nouvelle fable. Une fable qui, comme à l’accoutumée, brise le quatrième mur de la scène artistique. Après le monde du théâtre dans Yannick et celui de la peinture dans Daaaaaali!, c’est donc vers celui du cinéma d’auteur français que se tourne le cinéaste, aidé par quelqueq figures qui le représentent mondialement : Louis Garrel, Léa Seydoux, Vincent Lindon et Raphaël Quenard. Malheureusement, le quatrième mur n’est brisé qu’avec peu de fracas dans une satire inoffensive et assez complaisante.

Dans Yannick, l’année dernière, un revers existait face à la requête d’un spectateur participatif incarné par Raphaël Quenard : celui des comédien.e.s de la pièce de boulevard initialement jouée, en proie à des doutes quant à leurs idéaux carriéristes envolés face à la rude réalité qualitative de ce qu’ils et elles jouent. Ces désillusions culminaient lorsque le personnage joué par Pio Marmaï prenait le dessus lors de la prise d’otage et se lamentait sur le fait qu’il ne deviendrait jamais Dewaere et Belmondo, reconnaissant même qu’il en avait fini par se moquer du public pour lequel il jouait chaque soir sur scène. Ces craintes-là, ainsi que cette relation entre sa propre carrière artistique et le monde qui nous entoure, apparaissent comme une prémisse à la nouvelle réalisation de Dupieux : Le Deuxième Acte.

On y suit plusieurs comédiens de cinéma, plus ou moins installés dans le milieu du septième art français, sur le tournage d’un vaudeville à base de complot sentimental et de rencontres entre futur gendre et beau-père. Bien entendu, le tournage ne se déroule pas comme prévu et s’interrompt régulièrement du fait des tourments et accrochages incessants entre ses comédiens : indignation de l’un sur sa futilité face aux tragédies du monde, souhait d’un autre de partir vers de meilleurs projets, consécration d’apparaître comme figurant débutant (et stressé). Quentin Dupieux se présente ici plus amer que jamais sur la présupposée importance du cinéma et de ses acteur.ice.s.

Le deuxième acte

Le jeu de l’humour et du hasard

Comme dans Yannick ou Fumer Fait Tousser, il est devenu impossible de suivre une intrigue sans être interrompu par ses préoccupations, qu’elles soient vaniteuses, morales ou existentielles. Ce vaudeville promettant un Jeu de l’Amour et du Hasard dans un restaurant isolé de Dordogne, ne révèlera jamais son dénouement car, pour Dupieux, cela n’a finalement pas d’importance, d’autant plus qu’un rebondissement scénaristique laisse planer une raillerie visant les scénarios préfabriqués par de nouvelles technologies. Ainsi, à quoi bon continuer de jouer, de faire des films ? La puissance fantasmagorique du cinéma existe-t-elle toujours ? Une fois que cette intention est posée avec toutes ces pistes de réflexions, Le Deuxième Acte en tire-t-il quelque chose  ?

Bien qu’intriguant sur le papier, ces apitoiements finissent cruellement par se replier sur eux-mêmes. L’exercice finit par devenir aussi gris que le ciel du Jura filmé. Toujours prompt à proposer une durée courte à ses réalisations, le cinéaste ne prend pas réellement le temps de développer ce qu’il a à dire, pour un produit final bâclé et parfois creux, parfois malaisant lorsqu’il fonce sur l’autoroute des plaisanteries faciles sur la Cancel Culture et de l’image publique qui inquiète tant les acteurs face à celle-ci. Que dire des gênantes et trop nombreuses tirades transphobes, biphobes et validistes, lâchés par un Raphaël Quenard railleur, ou les allusions de Léa Seydoux quant aux conséquences d’une accusation de harcèlement sexuel ? Ni drôles, ni franchement intelligentes (en se cachant derrière son pseudo second degré), ses plaisanteries grotesques semblent si mal venues au regard du contexte dans lequel s’est ouverte cette 77e édition. Si l’on devine facilement que Dupieux ne se moque pas seulement du politiquement correct, mais également de ceux qui s’en servent pour couvrir leurs bassesses, le fait qu’il refuse de prendre ça autrement qu’à la légère laisse perplexe, autant quant à la finalité d’un tel projet destiné à une obsolescence rapide qu’au choix de placer un tel film en Ouverture d’un festival lancé sous haute tension.

Il ne restera que l’arme fatale de Dupieux, sa capacité à surprendre, tant par quelques choix de mise-en-scène, notamment ses travellings déambulatoires où Gerry côtoie l’humour à la Blier, que par certains retournements de situation. Mais le film déambule tant dans le vide que ses personnages principaux, ne s’aventurant finalement pas assez dans la satire, restent enlisés dans la facilité, à grands coups de blagues potaches et réactionnaires.

Bande-annonce

15 mai 2024De Quentin Dupieux, avec Léa SeydouxLouis GarrelVincent Lindon


Cannes 2024 – Film d’ouverture