PROMIS LE CIEL
Marie, pasteure ivoirienne et ancienne journaliste, vit à Tunis. Elle héberge Naney, une jeune mère en quête d’un avenir meilleur, et Jolie, une étudiante déterminée qui porte les espoirs de sa famille restée au pays. Quand les trois femmes recueillent Kenza, 4 ans, rescapée d’un naufrage, leur refuge se transforme en famille recomposée tendre mais intranquille dans un climat social de plus en plus préoccupant.
Critique du film
Lorsque l’on pense aux populations africaines contraintes de quitter leur terre natale, nous viennent spontanément à l’esprit l’image de ces hommes, femmes et enfants qui essayent de traverser la mer Méditerranée afin d’arriver, s’ils le peuvent, en Europe. Ils sont cependant très nombreux, et même majoritaires, à migrer au sein de l’Afrique et notamment en Tunisie, où ils réorganisent tant bien que mal leur vie en communauté.
C’est dans ce contexte très actuel que se déroule Promis le ciel, conjuguant le mot réfugié au féminin : nous suivons une pasteure, une mère qui se trouve à des milliers de kilomètres de son enfant, une étudiante et une enfant de quatre ans, rescapée d’un naufrage. Toutes cohabitent dans la même maison, tentant de trouver un équilibre malgré leur situation précaire, irrégulière aux yeux des autorités. Quels liens peuvent se créer dans un tel état d’instabilité, où la survie s’impose face à la construction d’un projet de vie à long terme ?
Les premières scènes pourraient ressembler au début d’une comédie de mœurs, reposant sur la complicité des trois femmes et de leur fille « adoptive », malgré les lourds enjeux qui les préoccupent et leur passé cabossé. La réalisatrice Erige Sehiri, qui signe ici son deuxième long métrage de fiction après Sous les figues (2022), commence par insuffler une certaine légèreté pour présenter ses personnages, s’attachant à montrer un quotidien presque normal, à ne pas dramatiser outre-mesure les choses.
La couleur bleue qui domine la palette photographique évoque d’ailleurs moins le danger de la mer – la question de la traversée se pose pourtant constamment – qu’un horizon auquel il faut croire, comme le titre s’en fait le programme. Au sein de cette esthétique soignée, c’est une dimension documentaire qui prend le pas pour se placer au plus près du vécu : à la fois brosser des portraits et raconter une solidarité et une fracture du continent africain. Il est ainsi rappelé au cours d’un dialogue que subsiste une différence de vision entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord (« la Tunisie est aussi l’Afrique »), comme s’il s’agissait de terres étrangères l’une à l’autre, et l’on apprend par la même occasion, pour remettre les pendules à l’heure, que le nom du continent africain lui-même vient de la région dont fait historiquement partie la Tunisie, « Ifriqiya ».
Toutefois, quelque chose n’advient pas toujours au niveau de la fiction. Au cœur de cette forte matière documentée, que l’on devine directement puisée dans des histoires vraies, le récit ne fait pas toujours apparaître beaucoup de lignes de force dramatiques. Peut-être est-ce dû à une contradiction entre une réalité si difficile et la douceur de la mise en scène ? La difficulté de trouver une accroche éprouvée par ces femmes se reporte un peu à l’échelle du spectateur.
Mais si l’interprétation, parfois improvisée, crée de temps en temps une certaine indécision quant au ton sur lequel recevoir des scènes, la comédienne Laetitia Ky, découverte il y a deux ans dans l’envoûtant Disco Boy, se révèle à nouveau excellente, dans le rôle d’une étudiante en lutte entre ses rêves d’une vie normale et la rugosité du réel. À ses côtés, on sent que l’optimisme doit l’emporter coûte que coûte. Cela demeure un très joli message à entendre à l’ouverture de la section « Un certain regard » du festival de Cannes.