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MARY ANNING

Dans l’Angleterre du XIXe siècle, Mary est une jeune fille passionnée par les fossiles, qu’elle cherche avec son père sur la plage, pour ensuite les vendre aux touristes. La mort soudaine du père jette la famille dans le désarroi : sans une source financière, ils vont bientôt devoir quitter leur maison et pire encore, pour Mary, sa bien aimée plage aux fossiles. Mais avant de mourir, son père lui a laissé un mystérieux message qui pourrait l’amener à bouleverser bien de choses…

Critique du film

Le premier regard porté sur l’enfance de la future paléontologue Mary Anning s’incarne dans un long travelling : traversant les nuages amassés au-dessus de la Manche, la caméra se déplace à toute vitesse vers les falaises anglaises, jusqu’à s’arrêter à la hauteur du village côtier où vivait la jeune fille en 1811. Ce mouvement, opération assez littérale de recadrage, doit toutefois être compris dans un sens géographique – c’est du point de vue de la francophonie du continent que nous suivrons ce bout d’histoire britannique – plutôt que temporel : bien que les faits se déroulent au début du XIXe siècle, le spectateur n’est pas invité à se projeter pleinement dans cette époque.  Marcel Barelli et ses co-scénaristes font en effet le pari à double tranchant de la représentation contemporaine. 

Cherchant sans doute à favoriser l’accessibilité du film au plus jeune public, l’écriture convoque le langage courant et le comportement des enfants d’aujourd’hui, et le fait sans détour. Le premier dialogue, par exemple, tourne autour d’un petit-déjeuner pris à la hâte, sans tenir compte des conseils donnés par la mère depuis la pièce d’à côté. Mary enfile ses bottes en jetant en l’air un « oui m’man » et claque la porte : scène de la vie quotidienne commune à toutes les familles, et en même temps grand archétype présent dans de nombreux dessins animés.  

Mary Anning

Le visionnage de Mary Anning par un adulte est donc marqué par cet enjeu de transcription, visible en permanence, qui donne l’impression de suivre le récit à travers un hublot plutôt qu’en direct. L’écriture, en tant que squelette global du film, apparaît comme un peu trop travaillée, ce qui la conduit à verrouiller quelques scènes malgré elle : les incursions un peu sèches de la (par ailleurs très belle) musique pop de Shyle Zalewski empiètent parfois sur un sens plus diffus et personnel qui naît du temps mort et du silence. Ainsi, les difficultés réelles rencontrées par l’héroïne – la condition de la femme dans l’Angleterre georgienne, la pauvreté de ses parents, la place de la science dans la société – convergent parfois dans des stéréotypes pas très heureux, notamment le révérend du village, incarné uniquement comme figure de l’obscurantisme religieux et non comme personnage à part entière.

Le long-métrage, un peu gêné par sa volonté de faire les choses bien et de prouver quelque chose qui est déjà là – l’esprit bravache et curieux de Mary est, par essence, moderne et féministe – trouve davantage sa voie lorsqu’il sort de l’Histoire et doit inventer pleinement les choses. L’écriture gagne en force à ce moment-là, dans une approche assez naturaliste des échanges entre un frère et une sœur, des réprimandes que l’on sait parfois justifiées, des moments de soutien de la part de la famille et des moment où ce soutien trouve sa limite. La douceur dans le portrait des relations humaines se couple à la rondeur de l’animation et des personnages, dont l’absence de lignes extérieures leur permet de faire corps avec leur environnement, que ce soit les lieux fabriqués par l’homme (la chaumière, les rues) ou la nature à explorer.

 C’est cette matérialité qui donne la plus grande vie au film, en rejoignant le discours de la jeune Mary pour qui il est impossible de se figurer un déménagement dans une ville lointaine, éloignée des falaises et des fossiles encore à déterrer. La grande thèse des esprits formés par leur environnement était sous nos yeux depuis le début, il ne restait que le travail de la fiction pour la mettre au jour.


17 septembre 2025De Marcel Barelli


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