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MADAME HOFMANN

« Bienvenue dans ma vie », cette phrase, Sylvie Hofmann la répète à longueur de journée ou presque. Sylvie est cadre infirmière depuis 40 ans à l’hôpital nord de Marseille. Sa vie, c’est courir. Entre les patients, sa mère, son mari et sa fille, elle consacre ses journées aux autres depuis toujours. Et si elle décidait de penser un peu à elle ? De partir à la retraite ? En a-t-elle le droit, mais surtout en a-t-elle vraiment envie ?

Critique du film 

D’Adolescentes à Petite Fille, le talent de documentariste et de portraitiste de Sébastien Lifshitz n’est plus à prouver. Mais ce qui étonne toujours lorsqu’on découvre des histoires individuelles à travers sa caméra, c’est la façon dont elles résonnent avec justesse, témoins à la fois d’une intimité et d’une temporalité. 

À l’origine de ce long-métrage, il y a un coup de cœur. Sébastien Lifshitz rencontre Sylvie Hofmann durant le casting, avec l’idée de faire le « portrait d’une femme en lutte dans le monde de l’hôpital ». Alors qu’elle devait simplement transmettre au cinéaste des contacts d’infirmières, lui ouvrir les portes de l’hôpital, devenue une véritable « forteresse » pendant la crise sanitaire de 2020, cette dernière est finalement devenue l’héroïne du documentaire. Et il nous suffit de quelques minutes à observer Sylvie, que ce soit à travers des moments de vie, au travail et en famille ou des confessions face caméra pour, nous aussi, nous attacher profondément à elle. On plonge dans son quotidien de cadre infirmière, les moments de joie avec son équipe, les conseils partagés, les galères aussi. On fait la connaissance d’une femme qui aime son métier autant qu’elle le quitte avec soulagement, tant elle est à bout. Qui prend conscience, à l’aube de sa retraite, du poids des années passées à prendre soin des autres et à côtoyer la mort au quotidien. Les fragments de sa vie capturés par la caméra de Sébastien Lifshitz donnent à voir, ses reliefs, ses failles et surtout sa lumière. 

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Portrait dense, Madame Hofmann s’ancre autant dans la période de son tournage (entre 2020 et 2022) que dans un tournant de la vie de sa protagoniste. En moins de deux heures de film, Sébastien Lifshitz parvient à retranscrire le cheminement de Sylvie Hofmann qui vit les derniers mois d’une carrière éprouvante, en même temps que des bouleversements intimes, le tout dans un contexte où l’hôpital doit faire face à des défis toujours plus nombreux. Le documentaire s’appuie d’ailleurs sur cette double dimension pour définir un rythme efficace, consacrant sa première partie à un état des lieux du quotidien éreintant de Sylvie et sa seconde à la perspective solaire d’un départ à la retraite. 

Et s’il donne à voir la photographie d’un système de santé publique en crise, à l’instar d’État limite de Nicolas Peduzzi, Madame Hofmann nous offre surtout, avec une grande générosité, une histoire profondément humaine. Les conversations entre Sylvie et sa mère, leurs souvenirs partagés, mais aussi leurs visions divergentes du travail et de la santé, sont des images précieuses que nous nous sentons chanceux de pouvoir découvrir et qui nous donnent à réfléchir à notre tour. 

Bande-annonce

10 avril 2024De Sébastien Lifshitz




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