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ÉTAT LIMITE

Comment bien soigner dans une institution malade ? Dans un hôpital de la région parisienne, le Dr. Abdel-Kader, psychiatre de liaison, navigue des Urgences au service de réanimation, de patients atteints de troubles mentaux à ceux qu’une maladie chronique retient alités. En dépit des impératifs de rendement et du manque de moyens, il s’efforce d’apaiser leurs maux.

CRITIQUE DU FILM 

Après Ghost Song (2022), Nicolas Peduzzi est de retour dans la sélection de l’ACID avec État limite. En compétition au Champs-Elysées Film Festival, ce troisième long-métrage documentaire s’intéresse au quotidien éreintant du docteur Jamal Abdel-Kader, seul psychiatre de l’hôpital Beaujon, situé à Clichy dans les Hauts de Seine. En donnant à voir l’expérience des professionnels autant que celle des patients, État limite dénonce les travers du système de santé. 

Soigner un système 

État limite s’ouvre sur une revisite du Prélude n°4 de Chopin par Gael Rakotondrabe. Le compositeur apporte un rythme innovant et dissonant au morceau original, faisant écho à la tension palpable dans les couloirs de l’hôpital Beaujon où se pressent les soignants. Cette introduction musicale traduit d’emblée le dysfonctionnement du système de santé et tout particulièrement des services de psychiatrie. Nicolas Peduzzi s’est intéressé à l’hôpital de Beaujon avec l’objectif d’y filmer les premiers pas d’internes dans l’hôpital public. Sa rencontre avec le docteur Jamal Abdel-Kader, qui l’a d’ailleurs pris pour un journaliste, a bouleversé cette idée. Saisi par le charisme et l’aura du jeune psychiatre, Nicolas Peduzzi a souhaité s’intéresser à son travail. 

Le film aborde les méthodes de soin et le rapport aux patients dans une institution qui manque cruellement de personnel et de moyens. Comment bien soigner sans savoir de combien de lits on disposera, aujourd’hui ou demain, pour accueillir ceux qui en ont besoin ? À travers le quotidien d’un médecin qui enchaîne les consultations, coordonne les soins avec d’autres services et gère la formation des internes tout en tentant de construire du lien avec les patients, État limite nous plonge dans la réalité anxiogène d’une société qui délaisse la psychiatrie, ses soignants et ses patients.

Ouvrir les yeux   

« L’environnement urbain est conçu pour la productivité. Or, le fou ne produit rien, donc on le rejette. » déclare Jamal en analysant la place allouée à la psychiatrie dans notre société. État limite présente l’hôpital comme un lieu hors du temps, dont on ne voit que très peu l’extérieur. On a d’ailleurs la sensation que les faits se déroulent dans un laps de temps restreint, alors que le documentaire résulte de deux ans et demi de tournage. Les séquences sont ponctuées par des photographies de Pénélope Chauvelot qui, comme des respirations, nous permettent de prendre du recul sur les constats qui s’imposent à nous. 

Le film questionne aussi le rapport au travail et à la vocation. On y voit Jamal, médecin dévoué et passionné par son métier, finir par tomber malade des conditions de travail invivables et d’un système qui abîme les patients. « Les institutions sont très violentes et je pense que ce n’est pas juste de demander à des gens, sous prétexte que ce sont des soignants, de se sacrifier. » a-t-il déclaré après la projection du film au Champs-Elysées Film Festival. 


Champs Elysées Film Festival 2023 – Compétition




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