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F1® – LE FILM

Sonny Hayes était le prodige de la F1 des années 90 jusqu’à son terrible accident. Trente ans plus tard, devenu un pilote indépendant, il est contacté par Ruben Cervantes, patron d’une écurie en faillite qui le convainc de revenir pour sauver l’équipe et prouver qu’il est toujours le meilleur. Aux côtés de Joshua Pearce, diamant brut prêt à devenir le numéro 1, Sonny réalise vite qu’en F1, son coéquipier est aussi son plus grand rival, que le danger est partout et qu’il risque de tout perdre.

CRITIQUE DU FILM

Si vous êtes familier des billets critiques du Bleu du Miroir, vous avez du passer devant un texte à propos de Top Gun : Maverick, publié au moment de la diffusion du film au Festival de Cannes 2022. Malgré tout, on est un peu embêtés : que racontait le texte qui ne concernait pas son acteur principal, Tom Cruise ? Pouvait-on simplement voir Joseph Kosinski comme quelqu’un devenu « le petit salarié qui posait des caméras IMAX sur des avions pilotés par Cruise » ? La question ne s’était pas posé jusqu’à ce chaud mois de juin 2025, synonyme de la sortie de son nouveau film, F1. Si une grande partie de l’équipe technique est revenue (Hans Zimmer, Claudio Miranda, Ehren Kruger, Joseph Kosinski et l’inénarrable nabab Jerry Bruckheimer), le casting du film a complètement évolué. Exit Tom Cruise, place à Brad Pitt, une persona plus sombre et moins affirmée.

Toutefois, F1 s’échine à reproduire la recette traditionnelle de Top Gun 2 en faisant de Pitt une sorte de berger guidant la jeune garde vers l’objectif de tout un groupe : gagner une seule course dans le monde impitoyable de la Formule 1. Le schéma narratif reproduit avec une minutie troublante les différences générationnelles, les bluettes amoureuses anecdotiques et les divers conflits au sein d’une équipe qui mèneront inéluctablement à un mouvement commun, la possible victoire de l’écurie dans un Grand Prix. Un canevas sans surprise tout droit sorti d’un film de producteur des années 1990, un chouïa modifié pour parler aux plus jeunes et toucher un public plus large (les techniciens de course sont un peu plus mis en avant, la frénésie du paddock a plus d’envergure, et les personnages féminins ont aussi de micro-arcs narratifs les détachant par infimes moments des héros testostéronés de la piste).

Formule 1

Mais une fois passé un bref résumé de la trame, a-t-on vraiment tout dit sur F1 ? Pas vraiment. D’une part, parce que le travail de Joseph Kosinski apporte des modifications formelles à Top Gun Maverick pour mieux appréhender le châssis des véhicules. Toujours équipé de dispositifs IMAX pour favoriser la célérité et l’immersion, le réalisateur chevronné ne parvient plus a capter l’horizon et aligner ses lignes de fuite d’arrière-plan aux yeux des personnages, en raison des contraintes architecturelles des voitures. L’intronisation de nouveaux dispositifs de sécurité à la fin des années 2010 n’a eu de cesse de couvrir les pilotes, quitte à rendre certains plans de coupe moins télégéniques lors des retransmissions en direct.

VEHICULES DE MARQUE

Pour pallier cette carence, Kosinski applique une méthode inverse : à la manière d’un rétroviseur pivotant, il met en scène des panoramiques pour accompagner le regard des pilotes et, par extension, ne faire qu’un sur la route avec la caméra. Parce qu’on soit suiveur des circuits ou néophyte de ce sport, le travail de Kosinski n’est plus d’être spectateur de ses héros comme il a pu l’être avec Tom Cruise ; il est désormais l’accompagnateur, la place passager virtuelle au cœur du championnat du monde automobile le plus prestigieux de la planète. Si Brad Pitt n’a plus rien à raconter sur lui-même, il peut être rattrapé par le dispositif technique hallucinant et par la nervosité du montage alterné inspiré, signé Stephen Mirrione (Go, Ocean’s Eleven).

F1 le film

D’autre part, l’équipe de tournage a pu bénéficier en grande partie des locaux de diverses équipes de Formule 1, le long-métrage étant produit par Toto Wolff (directeur d’écurie de Mercedes Grand Prix) et sir Lewis Hamilton. Baquets, paddocks, centres d’entraînement, pilotes actuels… Le film F1 a eu une multitude d’accès délirants et inédits qui, hélas, lui font par moments payer ses multiples paradoxes. En effet, le film surprend dès ses premières courses par l’absurdité de certaines séquences en route, et par l’aspect débonnaire, inconséquent des supérieurs hiérarchiques de l’écurie de Pitt qui pourtant déclare in medias res être la plus faible et pauvre du championnat. Un parti pris amusant, là aussi fidèle aux exagérations aberrantes de films de conduite des années 1990, mais qui trouve vite ses limites, engoncé par une marque Formule 1 qui veille à rester maîtresse de ses propres lieux et à conserver un certain réalisme lisse.

La promotion est partout à l’image, et plus encore, parce qu’elle paraît retenir le film au moment où il semble vouloir devenir chien fou, marquant une fois de plus l’idée que le sport automobile doit rester un sport de gentlemen de bon goût, persuadé d’être par essence un grand spectacle cinématographique. Et c’est plutôt dommage, car ce frein esthétique annule toute sensation de gradation des courses, donnant ainsi l’illusion de revoir les mêmes séquences réapparaître, sans évolution dramaturgique ni adrénaline supplémentaire. Par là même, et parce que la F1 est un sport d’équipe, Kosinski a du mal à maintenir une vélocité en changeant en permanence de points de vue entre Pitt et le second pilote de l’écurie, vecteur d’une caractérisation différente, plus portée pour parler au plus jeune public. Tout paraît alors plus bâtard, tiraillé entre des fantômes du passé et un sponsoring écrasant qui impose au lieu de soutenir. Un ensemble de petits coups de mou qui rendent, par effet boule de neige, les deux heures trente-cinq plutôt longues, car de plus en plus stériles et répétitives. À ce titre, et malgré des défauts saillants, Gran Turismo de Neill Blomkamp avait plus assimilé les enjeux émotionnels à diverses échelles (la réussite du pilote de jeu vidéo mise en parallèle avec celle du pilote aux 24 heures du Mans) à la recherche d’une adrénaline continue et presque sans limites.

BANDE-ANNONCE

25 juin 2025 – De Joseph Kosinski

Avec Brad PittDamson IdrisJavier Bardem