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ELSE

Anx vient de rencontrer Cass quand l’épidémie éclate : partout, les gens fusionnent avec les choses. Cloîtré dans son appartement, le couple doit faire face à cette menace monstrueuse.

Critique du film

Si Cronenberg ne se reconnaît pas en tant qu’initiateur du genre communément appelé « Body-Horror », force est de reconnaître que sa filiation dans le style a été largement assurée. De Julia Ducournau à Coralie Fargeat, le maître du corps n’a cessé d’inspirer et le long-métrage de Thibault Emin vient à son tour s’ajouter à cette pile d’héritier·e·s français·e·s à peine dissimulé·e·s. Toutefois, Else confirme qu’il ne suffit pas de faire preuve d’ambition plastique pour parvenir à une œuvre graphiquement percutante.

La métamorphose du corps, et par la même occasion, du ressenti, voilà ce qui se place en pierre angulaire du film. Alors qu’un confinement est installé à la suite d’une mystérieuse épidémie, faisant fusionner chair et matière synthétique, Anx et Cass se retrouvent emprisonnés dans leur appartement, décidés à lutter contre une transformation forcée. Personne ne niera la corrélation évidente avec les thématiques cronenbergiennes, le propos du film tendant d’ailleurs à aller vers le chemin de l’évolution naturelle humaine, idée déjà proposée par le réalisateur de Crash et Videodrome lors de son récent Les crimes du futur. Peut-être est-ce là le cœur du problème avec Else, réinventer la forme ou le fond du Body-horror serait une tâche herculéenne, mais il aurait au moins été de rigueur d’en comprendre la substantifique moelle.

Else

Else s’amuse de ses effets spéciaux organiques, s’essayant à de nombreuses tentatives choquantes. Les murs deviennent peu à peu des parois intestinales, le corps épouse tantôt une matière soyeuse tantôt une planche de bois brute. Il y a volonté de créer un tout, essayer de faire fusionner chaque élément du film pour donner lieu à une sorte d’explosion à la fois charnue et rugueuse. L’ensemble peine pourtant à se matérialiser, cette métamorphose de l’espace ne prend jamais, la faute à des plans trop serrés dont la mise au point ne semble jamais se concentrer sur la corporalité des décors. Même le rapport à l’anatomie humaine reste trop timide, immanquablement limité par une réalisation ne sachant vraiment où diriger l’œil du spectateur.

Else échoue à exploiter pleinement son concept principal, laissant la désagréable sensation d’un agrégat de matières multiples. L’espace n’est jamais utilisé pour  perdre ou déboussoler puisque le spectateur n’a jamais le temps de se l’approprier, d’en comprendre l’état originel avant de le voir devenir une toute autre structure. Persiste, au milieu de ces décombres charnels, une histoire d’amour qui traverse les frontières de la matière, essayant tant bien que mal de prendre corps au sein de cette histoire physiquement éphémère. La poésie de la chair, entre sexe et maladie incurable parvient parfois à émerger, faisant ainsi ressentir un lien profond entre les deux protagonistes, dépassant la simple attirance visuelle. Une nouvelle fois, cet aspect manque malheureusement d’emphase, le récit se perd souvent à vouloir devenir une étrange tentative de post-apo cloisonnée, forcément freinée par son budget restreint.

Premier essai gourmand, Else est désireux de prouver que le film de genre existe encore sous bien des formes, y compris celles de moins en moins représentées, tout en y apportant une certaine poésie relativement rafraîchissante. Mais son ambition lui porte préjudice, en ne ciblant jamais vraiment un aspect bien précis de sa chronique physiquo-synthétique. Le trop-plein se fait maintes fois ressentir, surtout lorsque le long-métrage assomme de scènes 3D tortueuses, faisant surtout office d’expériences esthétiques en marge du reste de la proposition. Else n’atteint son plein potentiel que quand ses créatures amorphes mettent à mal une relation existant avant tout pour les plaisirs du corps. Dommage que le film d’Emin ne parvienne pas à fusionner toutes ses idées et quelques fulgurances anatomiques dans un récit complet. 

Bande-annonce

28 mai 2025 – De Thibault Emin