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LE VOURDALAK

« Mes enfants, » avait dit le vieux Gorcha avant de partir, « attendez-moi six jours. Si au terme de ces six jours je ne suis pas revenu, dites une prière à ma mémoire car je serai tué au combat… Mais si jamais, ce dont Dieu vous garde, je revenais après six jours révolus, je vous ordonne de ne point me laisser entrer, quoi que je puisse dire ou faire, car je ne serais plus qu’un maudit Vourdalak ». C’est dans une famille en proie à l’angoisse, au terme du sixième jour, que trouve refuge le Marquis Jacques Antoine Saturnin d’Urfé, noble émissaire du Roi de France…

CRITIQUE DU FILM 

Alors que les images ouatées qui ouvrent le film nous plongent en plein songe, le générique apparaît en lettres anguleuses rouge sang, semblant sortir tout droit d’un conte gothique. Une histoire de vampire en bonne et due forme, mais pas n’importe laquelle : l’adaptation de la nouvelle La famille du Vourdalak, écrite par Alexeï Tolstoï, près d’un demi-siècle avant le Dracula de Bram Stocker. Mais avec son Vourdalak, Adrien Beau ne se contente pas de ressasser une vieille légende et des influences chères aux cœurs des férus de récits de monstres. 

Dans une contrée lointaine qui ne peut être localisée sur une carte, nous suivons, avec curiosité, la rencontre d’un voyageur égaré avec une étrange famille de paysans. Le noble individu poudré se présente comme un émissaire du Roi de France et sollicite l’aide du vieux Gorcha afin de pouvoir poursuivre sa route. Les enfants de ce dernier l’accueillent, avant de découvrir que le patriarche, malgré son grand âge, est parti à la guerre. Lorsqu’il revient, il n’est plus qu’une infâme créature menaçant de conduire la famille à sa perte. 

Le Vourdalak évolue sur le fil de la tragédie, oscillant sans cesse entre le grotesque et l’horreur. Profondément artisanal, le long-métrage ne sombre jamais dans la fragilité, mais embrasse plutôt sa passion et son désir de raconter une histoire singulière. S’en dégage une énergie réjouissante, fruit d’un remarquable travail d’équipe, qui nous déstabilise et nous transporte dans un univers romanesque. 

Le vourdalak

La cohérence des choix artistiques confère à la maison de pierre et aux forêts d’Occitanie qui servent de décor au film une âme aussi sombre que celle d’une forteresse en Transylvanie. D’abord, la musique acoustique et les costumes inspirés de légendes et de cultures de l’Est, comme celui de Sdenka (interprétée par Ariane Labed), à mi-chemin entre une tenue de bohémienne et la robe d’une mariée maudite. Et puis, la marionnette, qui donne vie au vieux Gorcha, conçue et manipulée par Adrien Beau, qui en interprète également la voix : un choix particulièrement intéressant à l’ère où les effets spéciaux numériques règnent. Aussi déroutante que terrifiante, la marionnette du Vourdalak contribue grandement à la réussite du film qui assume complètement sa beauté artisanale. Enfin, l’image issue d’une pellicule 16 mm, éclaire tous ces éléments avec la lumière granuleuse et poudrée qu’ils méritent. 

Derrière la poésie sombre du récit, une multitude de thématiques se dessinent : celle de la famille aux fondements toxiques, celles des croyances et des spiritualités, et bien d’autres questionnements qui proposent une relecture de l’œuvre originale, en plus d’enrichir encore le spectre du film de genre. Aux passionnés de contes et légendes et à ceux qui oseront le découvrir sans préjugés, Le Vourdalak offrira un moment rare de fantaisie.  

Bande-annonce




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