DAG JOHAN HAUGERUD | Interview
Avec sa trilogie d’Oslo – Désir (Sex), Amour (Love) et Rêves (Dreams) –, le réalisateur et écrivain norvégien Dag Johan Haugerud poursuit une œuvre patiemment construite à la croisée du théâtre, du cinéma et du roman. Auteur d’un cinéma du verbe, de l’écoute et de l’intime, le cinéaste à la mise en scène naturaliste explore nos états émotionnels à travers une série de récits choraux, tournés dans un Oslo quotidien. Au cours du long entretien qu’il nous a accordé, il revient sur la genèse de ce triptyque né pendant la pandémie, sa volonté d’un cinéma modeste centré sur la parole, la place essentielle des acteurs mais aussi sur les tensions entre l’intime et le politique. Il y est question de masculinité, de filiation maternelle, de sexualité, d’avenir incertain – autant de thématiques traversées par des personnages en quête de justesse, de lien, de langage. Le regard est doux mais exigeant, porté par une attention rare aux affects contemporains et à leur mise en forme. Rencontre avec un cinéaste qui sait que les mots peuvent faire vaciller les certitudes autant que les réparer.
Pour commencer, revenons sur la genèse de ce projet artistique ambitieux et vos intentions générales. La trilogie a-t-elle été conçue comme telle dès le départ ou les trois films se sont-ils progressivement assemblés ?
Oui et non. J’avais écrit une version plus courte du premier film, Sex, pendant la COVID-19. Je voulais juste un film d’une heure avec une sortie en salles. J’en avais déjà réalisé quelques-uns auparavant et j’aimais beaucoup le format court, mais pas le court-métrage. J’ai donc voulu en faire un et nous avons demandé des fonds. Nous n’avons pas obtenu de financement, alors nous avons commencé à discuter, mon producteur et moi, pour trouver un autre projet intéressant pour nous deux, un projet plus ambitieux, qui me permettrait de travailler avec différents acteurs et d’explorer un thème en profondeur.
Et puis, je voulais voir, ce qui m’intrigue, c’est que, quand on fait un film, on a entre 14 et 15 jours de tournage maximum avec mon budget, puis c’est fini. Je voulais voir s’il était possible de travailler avec la même équipe sur une période plus longue et ce qui se passerait si c’était possible. Puis nous avons eu l’idée de faire une trilogie et nous voulions la réaliser d’un seul coup, trois films tournés dans l’année et qui sortiraient en salle la même année. C’était le plan, l’ambition.
Quand on tourne un film, on a l’occasion d’adopter une approche anthropologique et d’explorer la ville ou le lieu, et c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment.
Vous dites être né près d’Oslo. Que représente cette ville pour vous dans ces trois histoires et comment son atmosphère culturelle et sociale a-t-elle influencé le ton et les récits de toute la trilogie ? Oslo était-elle seulement un cadre ou aussi une sorte de vecteur d’un état d’esprit ?
Il m’est difficile de répondre à la dernière partie de votre question, il est donc difficile d’avoir ce regard extérieur sur mon travail. Mais le lieu de tournage était très important, et lorsque nous avons décidé de tourner tous les films à Oslo, je voulais approfondir les différents quartiers d’Oslo où je voulais tourner. Et quand on tourne un film, je pense qu’on a l’occasion d’adopter une approche anthropologique, d’explorer la ville ou le lieu et c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment. C’est pourquoi je voulais explorer Oslo de plus près. Pour moi, comme vous le demandez, ce n’est pas seulement un décor, c’est aussi un état d’esprit. Oui, je suis ravi de l’entendre.
La forme de vos films est épurée, à la fois très intimiste et rigoureusement cadrée. Était-ce un choix évident dès le départ ?
Oui, je pense que la réponse est oui. Nous souhaitions avant tout réaliser trois films distincts, différents visuellement, pour que le public n’ait pas l’impression de revoir sans cesse la même chose. Vous devez donc entrer dans un univers différent, et comme nous tournons à Oslo, nous avons dû séparer les films différemment, puis les reformuler. Ils sont donc tournés avec des objectifs et des caméras différents, et un autre cadrage est également nécessaire. Nous avons essayé de les rendre différents.
La sexualité est souvent liée à la honte, et ça ne devrait pas l’être. Dans Désir, mon personnage est totalement dénué de honte, et c’est très important à dire.
Vous semblez rechercher un réalisme très précis, en accordant une grande attention aux détails. Quelle place avez-vous laissée à l’improvisation et comment avez-vous travaillé avec vos acteurs ?
Nous répétons beaucoup, et nous faisons aussi des répétitions avec des chorégraphies à la caméra, afin que les acteurs sachent où ils sont censés se situer à un moment précis du dialogue. Nous n’improvisons pas. Quand le scénario est terminé, il est terminé et il est joué comme il est écrit. Quant aux mouvements du corps, ils sont bien sûr libres de les utiliser comme ils le souhaitent. C’est important pour les scènes qui durent, avec de longs dialogues. Il faut alors utiliser le corps, y inclure des mouvements corporels et des mouvements de caméra pour donner cette impression de réalisme. Nous avons donc travaillé là-dessus, mais sans le fixer au sens strict.
Concernant la thématique et l’approche narrative, quand les thèmes du désir, de l’amour et des rêves ont-ils émergé ? Et était-ce délibéré d’explorer différentes formes de connexion humaine ?
Il y a longtemps, ou il y a quelque temps, avant de commencer à écrire, j’ai été interviewé par une radio étudiante en Norvège. Le journaliste m’a demandé pourquoi il n’y avait pas de sexe dans mes films. Je me suis alors dit : « D’accord, n’y a-t-il pas de sexe ? Il n’y a pas de sexe explicite, mais il y a du sexe. » me suis-je dit. Mais j’ai aussi décidé de me concentrer sur ce sujet, d’une certaine manière. J’ai décidé de faire des films sur le sexe, c’était un objectif mais je ne voulais pas montrer de scènes explicites, je voulais juste essayer de voir si je pouvais susciter des conversations ou un dialogue sur la sexualité, car je pense que nous sommes tellement habitués à voir des images de sexe ou de sexualité, et c’est partout, tout le temps, mais nous n’avons pas tellement accès à des dialogues ou à des discussions sur le sexe. C’est donc ce que je voulais accomplir. Quand il est question de sexualité, il faut aussi parler d’identité sexuelle, je pense, et aussi d’amour, et aussi de ce dont parlent les gens. Il y a de nombreux aspects du sexe.

Désir (Sex)
Même le film Sex, qui s’appelle littéralement « Sexe » (retitré Désir en France – ndr), traite essentiellement d’intimité et d’identité, comme le reste de la trilogie. Était-ce votre objectif de créer un débat autour de cela et de ne pas juger les personnages ?
C’est important de ne pas les juger. Je pense que le débat devrait se dérouler entre les spectateurs. Que la discussion se poursuive après la sance serait formidable. Je pense qu’il s’agit simplement de montrer des personnages confrontés à des situations particulières, de montrer cela, de montrer les dialogues, d’essayer de voir ce qui se passe, sans, comme je l’ai dit, porter de jugement et éviter les clichés, car on tombe vite dans les clichés lorsqu’on parle d’amour et de sexualité. Le sexe est aussi une question d’infidélité, et ce thème est souvent associé à de nombreux clichés. Je voulais donc aborder le sujet sous un angle différent.
En fait, le personnage de Désir n’a pas l’impression de tromper sa femme, car il se sent loyal et honnête envers elle. Peut-être que nous avons une vision conservatrice du couple et des relations. C’est vraiment intéressant d’aborder ce sujet dès le début du film, avec cette première scène très forte entre les deux amis.
Je pense qu’il a sa propre logique, d’une certaine manière, qu’il suit, et presque sa propre logique morale, mais je trouve ça intéressant. On pourrait trouver ça un peu naïf, ou enfantin, mais je trouve quand même intéressant de se demander s’il y a quelque chose de vrai là-dedans.
On peut être un homme et montrer sa vulnérabilité. Et je pense qu’il faut reprendre la masculinité à ces hommes qui tentent de la redéfinir.
Oui, parce que c’est vraiment spontané, vraiment pur, en un sens. Je ne suis pas sûr qu’il soit déconnecté de ses sentiments, je ne suis pas sûr qu’il cherche à blesser qui que ce soit, il succombe juste à un désir spontané, et ça devient un problème quand son entourage le perçoit comme tel…
Exactement, je pense que pour lui, c’est une expérience tellement joyeuse. Dans le film, il rentre directement chez lui et en parle à sa femme comme d’une très bonne chose. Il veut la partager avec elle, et il ne la voit pas comme un problème.
Le personnage de son ami est intéressant en tant qu’homme qui s’interroge sur sa masculinité, rêvant de devenir femme. Et c’est vraiment intéressant parce que même si vous n’utilisez pas explicitement ce mot dans le film, j’y ai vu, j’espère que vous ne m’en voudrez pas, j’y ai vu une belle façon d’explorer la non-binarité.
Oui, absolument, c’est une bonne façon d’approcher le personnage. Mais pour revenir au personnage principal, je pensais à ce moment où il a le sentiment d’avoir vécu quelque chose de formidable, et c’est aussi complètement dénué de honte, et je pense que c’est très important de le dire, car la sexualité est souvent liée à la honte, et ça ne devrait pas l’être. Il est donc totalement dénué de honte, et c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé chez lui.

Sex (Désir)
Dans ce film, comme dans toute la trilogie, vous semblez vouloir vous affranchir de toutes les valeurs judéo-chrétiennes, et de dire simplement : c’est la vie, le désir, c’est la vie, et pourquoi serait-ce une honte, quelque chose qu’il faut cacher ?
Et ce n’est pas forcément dangereux non plus, ça peut être assez facile et agréable.
C’est peu commun finalement de voir une amitié masculine comme celle-là à l’écran, avec deux hommes n’ayant pas peur d’exposer leur vulnérabilité. Était-ce le but, est-ce quelque chose que vous avez vécu avec un ami ?
Oui, j’ai des amitiés comme ça, évidemment, je pense que beaucoup d’hommes en ont. Mais il y a quelques années, j’ai fait un film avec uniquement des personnages féminins, et ensuite, de nombreux journalistes m’ont demandé s’il était possible de voir le même genre de film avec les mêmes scènes et des personnages masculins. J’ai pensé que ce serait possible, absolument, alors j’ai essayé de le faire cette fois-ci, pour montrer que les hommes aussi ont ces conversations intimes et confiantes.
Nous vivons une époque où la masculinité plus viriliste est revendiquée, notamment des dirigeants internationaux qu’on ne mentionnera pas…
On peut être un homme et montrer sa vulnérabilité. Et je pense qu’il faut reprendre la masculinité à ces hommes qui tentent de la redéfinir.
Comment avez-vous abordé ce sujet délicat pendant l’écriture ? Êtes-vous plutôt solitaire lorsque vous écrivez ou aimez-vous confronter votre réflexion à des collaborateurs ou des amis ?
Non, je suis totalement seul, mais je suis baigné dans la littérature et je lis beaucoup avant et pendant l’écriture, et une partie de cette littérature se retrouve dans le scénario, je pense. La lecture est donc très importante, avant et pendant l’écriture. Quand j’écris pour un film, il est impossible de lire beaucoup. Quand j’écris un roman, c’est autre chose.
« Les trois scénarios ont été écrits pour les comédien·ne·s qui jouent dans les films. Il s’agit avant tout de la façon dont je vois les acteurs, dont je les perçois, et de la façon dont je veux peut-être aussi les mettre au défi. »
Amour, le premier film qui a été présenté en France au festival Visions Nordiques, est peut-être le plus mélancolique des trois. Comment avez-vous abordé cette histoire ?
Je pense qu’il est important de préciser que tous les scénarios sont écrits pour les comédien·ne·s qui jouent dans le film. Il s’agit avant tout de la façon dont je vois les acteurs, de la façon dont je les perçois, et de la façon dont je veux peut-être aussi les mettre au défi, car je ne les ai jamais vus auparavant. Je les ai vus interpréter des personnages au cinéma ou au théâtre, et je me dis souvent qu’ils pourraient peut-être essayer autre chose, peut-être que ce serait intéressant. C’est ce que j’ai en tête quand j’écris. Ils dirigent les histoires et les personnages, et pour moi, ça a été une bonne façon de travailler. Je pense qu’il est fort possible que je ne recommence pas comme ça, mais pour cette trilogie, c’était très gratifiant pour moi de procéder ainsi.

Amour
Vous aviez donc déjà à l’esprit les comédien·ne·s dès l’écriture du scénario ?
Oui, le casting était fait avant que je commence à écrire.
Donc, pour eux, c’était comme un acte de foi ?
C’est exact, c’est une très bonne chose que vous mentionniez cela, car je pense que lorsqu’on vous fait confiance en tant qu’acteur, vous n’avez pas l’impression de devoir convaincre qui que ce soit de votre capacité à interpréter le personnage. On sait qu’on vous fait confiance dès le départ, et la collaboration peut alors être beaucoup plus facile. Et je crois que c’était le cas pendant ce tournage.
J’avais déjà travaillé avec Ella Øverbye, Thorbjørn Harr et Jan Gunnar Røise, et leurs épouses, Siri Forberg et Birgitte Larsen, tous les personnages de Désir. Il n’y a qu’un seul personnage dans Amour avec lequel je n’avais jamais travaillé, celui qui joue le géologue, c’est un rappeur norvégien très célèbre que vous ne connaissez peut-être pas en France… (rires)
Effectivement. Il ne nous reste plus qu’à espérer que vos films précédents sortent en France, pour qu’on puisse revoir ces formidables comédien·ne·s… Avez-vous préparé le tournage très en amont avec votre casting, puisque les aviez en tête dès le début de l’écriture, pour créer cette proximité très authentique à l’écran ?
C’est une excellente question, car il s’avère qu’ils ont passé du temps ensemble et répéter entre eux, sans moi. Mais au début, nous avons fait une lecture du scénario tous ensemble, autour d’une table. Dès ce moment-là, j’ai pu apporter des modifications en fonction de ce que j’entendais. Ils m’ont aussi fait part de leurs commentaires sur les points qui ne fonctionnaient pas bien. J’ai pris en compte leurs remarques pour réécrire les dialogues et leur proposer une version actualisée. C’est un processus assez long. Il y a eu beaucoup de versions différentes du scénario, peut-être jusqu’à une vingtaine, voire une trentaine. Ça prend donc beaucoup de temps à écrire. Mais une fois terminé, on a répété ensemble, puis ils se retrouvaient aussi pour répéter de leur côté, de leur plein gré, sans que je leur demande.
Est-ce que vos actrices et vos acteurs ont été effrayé·e·s par certains thèmes ou certains éléments ? Je parle notamment du cas de Rêves, où la situation est délicate, car il s’agit d’une jeune fille amoureuse d’un adulte, ce qui vous place dans une zone grise. Ou dans Désir, lorsque le personnage principal ouvertement hétérosexuel confie à son ami avoir couché avec un homme la veille.
Je pense qu’ils me faisaient confiance et qu’ils n’avaient peur de rien. Mon impression est qu’ils appréciaient que ce soit dans des zones grises, car cela leur donnait matière à agir, un défi à relever. Je n’ai pas eu l’impression qu’ils avaient peur. Peut-être que dans Désir, l’acteur qui devait jouer l’un des ramoneurs qui rêve d’être une femme a été assez surpris que je lui aie écrit ce personnage, car il n’avait pas le sentiment de l’avoir envisagé lui-même. Mais c’était encore plus intéressant d’approfondir ce sujet. Finalement, il a beaucoup aimé, je pense.
Comme une sorte d’introspection personnelle dans ce processus…
C’est ce qu’il y a de mieux dans le métier d’acteur, je pense. On peut jouer différents personnages, incarner différents rôles, et ainsi essayer de mieux se comprendre soi-même.
C’est peut-être aussi le cas du scénariste que vous êtes, avec ce chemin de questionnement et d’introspection lorsque vous écrivez un film….
C’est vrai, c’est une bonne thérapie. (rires)
Pensez-vous avoir besoin de poursuivre ce travail thérapeutique dans la suite de votre travail afin d’explorer toutes ces zones d’ombre ?
(Rires) Je ne pense pas que je vais chercher une thérapie en dehors de mon écriture. Plus jamais.
J’ai pensé qu’il fallait que je fasse un film qui montre une fille qui contrôle totalement toute l’histoire, le film, l’écriture, pour échapper à mon regard d’homme plus âgé. Et la vérité n’est qu’en elle, d’une certaine manière.

Rêves
Pouvons-nous évoquer Rêves, qui semble légèrement différent des deux autres volets de la trilogie. Déjà, parce que l’essentiel de l’intrigue se déroule en hiver, ce qui crée une atmosphère plus chaleureuse et onirique. Mais le récit est aussi plus fragmenté que les deux autres. Il multiplie les histoires, les voix et les couches de réalité. Qu’est-ce qui vous a conduit à cette structure ?
Je savais que j’allais l’écrire pour Ella Øverbye, la jeune fille. La dernière fois que j’ai travaillé avec elle, elle avait 11 ans. Et je voulais écrire quelque chose pour elle, à nouveau, maintenant qu’elle a grandi. Alors j’ai pensé qu’il serait judicieux d’écrire une histoire sur sa première expérience amoureuse. Parce que c’est précisément son âge. Son expérience de l’adolescence. Je l’ai donc écrit pour elle, et je me suis dit que, n’étant pas une jeune fille de 16 ans moi-même, je devais essayer d’être le plus subjectif possible, afin de ne pas faire un film d’homme plus âgé qui regarde une adolescente. Je ne voulais pas faire ça. J’ai donc pensé qu’il fallait que je fasse un film qui montre une fille qui contrôle totalement toute l’histoire, le film, l’écriture. Et la vérité n’est qu’en elle, d’une certaine manière. Donc on ne sait pas vraiment. On ne peut jamais réellement savoir si ce qu’elle raconte est vrai ou pas.
Et puis je me suis demandé : comment faire ? Comment est-il possible d’être aussi subjectif ? Et puis j’ai pensé que la voix-off serait un très bon outil car il permet aussi d’utiliser différents langages. On n’est pas trop attaché à la réalité quotidienne, au dialogue. On peut utiliser des expressions politiques si on le souhaite. Et je pense que c’est possible, parce que cette voix-off, c’est un peu comme se parler à soi-même, d’une certaine manière. Et puis, on peut utiliser des mots plus complexes. C’était donc une expérience d’écriture vraiment agréable, de pouvoir écrire un si long monologue du point de vue d’une jeune fille.
Malgré le fait que vous soyez un homme, on ne ressent pas ce male gaze que vous évoquez…
Tant mieux alors. (il sourit)
Ce qui est intéressant c’est que tout le film parle de l’enfance, mais aussi de la maternité, à travers les trois personnages féminins, chacune ayant un rôle important à jouer et incarnant bien ces époques, ces générations et ces confrontations.. Comment avez-vous créé la relation avec la grand-mère ? C’est une poétesse et Johanna rêve de devenir écrivaine. Est-ce cela qui lui permet de confier à sa grand-mère ce qu’elle a écrit ?
Je pense aussi qu’il est souvent plus facile de parler aux grands-parents qu’aux parents, parce que c’est un peu plus distant. Et les grands-parents n’ont pas le même genre de relation avec leurs petits-enfants… Ils sont plus ouverts, je pense. On se sent donc plus libre quand on parle à un grand-parent qu’à un parent, probablement. Pas toujours, mais je pensais que ce serait le cas ici. Oui, et je pense que la grand-mère est très attentionnée, mais bien sûr, elle ressent autre chose quand elle est menacée par cette jeune fille. Et peut-être même qu’elle ressentira probablement ça de la part de tous les jeunes, les jeunes auteurs qui la talonnent et essaient de prendre sa place.
Elle ressent une certaine amertume…
Oui. Il faut aussi voir que les jeunes générations travaillent et écrivent différemment, et qu’elles peuvent peut-être toucher un public plus large, par leur façon d’écrire. Donc je pense que, quelque part, elle se sent un peu menacée.
Vous avez dit que vous lisiez beaucoup avant d’écrire des films. Celui-ci, en particulier, ressemble à un livre qu’on ne veut pas refermer. On a l’impression de s’immerger dans l’atmosphère. Comment avez-vous créé cette atmosphère avec la compositrice, et en quoi la composition musicale d’Anna Berg est venu la renforcer ? Ou le travail avec votre chef-op ?
Comme je disais, c’était censé être très subjectif, et ça permet aussi des images que je n’aurais pas vraiment appréciées autrement, des images plus douces, une mise au point plus floue, beaucoup plus de gros plans. Je n’aime pas trop les gros plans mais il y en a beaucoup dans les films. Et aussi essayer de créer une sorte de tension, une atmosphère, une sensation douce et chaleureuse qui reflète ce qui se passe dans son corps d’une certaine manière. C’était donc notre objectif. Et pour la conception du décor, nous voulions utiliser beaucoup de bois, car sa texture donne une sensation de chaleur. C’est assez réconfortant. On a essayé de composer avec tout ça pour créer cette ambiance.
Deuxième partie de notre entretien avec Dag Johan Haugerud
À lire la semaine prochaine
Couronné de l’Ours d’Or, le premier volet de la Trilogie d’Oslo, Rêves, sort en salle le 2 juillet tandis que le second, Amour sera distribué dès le 9 juillet et le dernier Désir suivra la semaine suivante, le 16 juillet.