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SISTER MIDNIGHT

Uma débarque à Mumbai après un mariage arrangé. Dans son taudis, elle découvre la réalité de la vie conjugale avec un mari lâche et égoïste. Refusant de céder à l’enfer de son couple, Uma laisse libre cours à ses pulsions et, la nuit venue, se transforme en une figure monstrueuse et inquiétante…

Critique du film

Premier film du réalisateur Karan Kandhari, Sister Midnight commence par un portrait décalé de la société indienne avant de sortir les crocs et se transformer en une fable attachante dans son étrangeté. Une jolie surprise renouvelant drôlement le mythe du vampire à l’écran.

Sister Midnight commence à s’y méprendre comme une chronique sociale à la Aki Kaurismaki, et rappelle les débuts de Jim Jarmusch, avant son incursion dans le vampirisme avec Only Lovers Left Alive. On suit le parcours d’Uma, femme arrivant à Mumbai suite à un mariage arrangé. Ce changement de vie soudain nous est immédiatement présenté comme une perturbation ne laissant aucun répit au protagoniste. La composition soignée des plans, photographiés en Scope, transmet l’isolation ressentie de notre protagoniste face à une ville en mouvement. Elle illustre également une immobilité de l’environnement, renforcée par un rythme de vie quotidien, qui s’oppose au tempérament bien trempé de l’héroïne et à son refus de se plier aux attentes de son mari et du voisinage. Cela est raconté avec un humour grinçant, souvent impoli, fragmenté par de nombreuses coupes comme pour isoler chaque situation et leurs impacts. Le dispositif pourrait vite paraître rébarbatif, mais il s’avère malin lorsque le fantastique fait irruption.

Soudainement, Uma se voit confrontée à des symptômes préoccupants. C’est la dégustation brutale d’une chèvre vivante en pleine errance nocturne qui va apporter un second souffle à Uma, avant de suivre un véritable apprentissage de l’indépendance. Constatant sa mutation en vampire, elle va apprendre à vivre avec dans une société profondément ancrée dans le conservatisme. Mais au lieu de sombrer dans la terreur, le film préfère nous emporter via un humour étrange bienvenu. 

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Le film nous ramène au souvenir pas si lointain de Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant. On retrouve dans ces deux films un rapport à la mort, à la solitude, aux attentes des autres à travers le mythe du vampirisme et une touche de comédie noire faisant toujours mouche. Mais l’œuvre de Kandhari s’en distingue lorsqu’elle s’échappe du cadre nocturne lié au genre, bien qu’il y soit présent, les rayons solaires du film marquant un contraste avec l’aspect ténébreux pris comiquement par le personnage principal. La bande-originale, faite de morceaux de pop enjouée de Sinn Sisamouth, Buddy Holly ou T-Rex, vient offrir un contraste à la violence des situations, comme pour souligner la force émancipatrice, anti-patriarcale et décalée de ces moments de libération ressentie par Uma.

Il faut vanter la luminosité avec laquelle Kandhari raconte son histoire, qui risquait de paraître classique. Il fait de son scénario quelque chose d’assez agréable à suivre, entre sa photographie millimétrée et son humour impertinent, rempli d’idées étranges telles que ces animaux ressuscités en stop-motion, au point où l’on pardonne aisément ses idées répétées au point d’en étirer la durée du film. Sister Midnight est une comédie fantastique qui touche par sa tendresse douce-amère, où l’affirmation de soi se fait par l’entraide entre personnes marginalisées.

Bande-annonce

11 juin 2025 – De Karan Kandhari