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OPPENHEIMER

En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le « Projet Manhattan » destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé « le père de la bombe atomique ». C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…

CRITIQUE DU FILM 

Comment aborder dans un film biographique une figure aussi controversée que le physicien Robert Oppenheimer, père du projet Manhattan ? C’est à cette question que tente de répondre Christopher Nolan avec son douzième long-métrage en 25 ans. Sa proposition est ambitieuse, tout d’abord en terme de narration : « fusion » et « fission », tels sont deux temps distincts que nous propose le film, avec des formats différents, de la couleur, du noir et blanc, et des temporalités qui déroutent par leur entrelacement bien loin du linéaire éreintant de la plupart des biopics. Oppenheimer ne s’offre pas facilement, et ce que va s’efforcer de démontrer Nolan est l’énorme complexité de la personnalité du physicien américain. En effet, le jeune homme timide étudiant à Cambridge n’a pas grand chose à voir avec le scientifique accompli et respecté qui est reçu à la fin de la Seconde Guerre mondiale par Harry S. Truman.

Cette évolution dans l’écriture du personnage est la première force du film : il tâtonne, grandit, doute, et finit même par avoir des doutes sur ses actes, dans une introspection rare pour un homme public aussi célèbre. Le deuxième aspect est la méticulosité avec laquelle Nolan ausculte cette période charnière de l’histoire du monde. Il y est beaucoup question de politique, de communisme au sein même de la nation étasunienne, et du rôle d’Oppenheimer dans ces luttes de pouvoir. Le positionnement de Robert, à l’université et dans la société, est un fil rouge qui le suit de ses années d’études à son mariage, ainsi que dans ses liaisons et ses relations de travail. Si l’histoire commence avec comme centre le conflit mondial et la lutte contre le nazisme, la bascule se fait vers la Guerre froide et le maccarthysme dans la deuxième partie du film. Chacun finit par devoir rendre des comptes sur son activisme après le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki. Comme le rappelle un personnage du film, ce n’est pas le dernier acte de la Deuxième Guerre mondiale mais bien le premier de la Guerre froide qui va occuper les esprits pendant près d’un demi-siècle.

Oppenheimer

Enfin, et c’est sans doute ce qui impressionne le plus ici, c’est la maestria de la mise en scène qui époustoufle, avec cette manière avec laquelle Nolan crée des écrans de fumée au sein même de son récit, comme des contre-feux ou des fausses pistes distrayant le spectateur des véritables enjeux de cette histoire. Si la caméra montre Lewis Strauss, magnifique Robert Downey Jr., c’est pour que ce personnage veule et lâche qui agite un chiffon rouge nous éloignant des turpitudes qui habitent l’esprit des scientifiques du XXème siècle, tous convaincus qu’un point de non retour vient d’être franchi dans une course à l’armement qui aurait pu détruire toute la planète. L’irruption par petites touches d’Albert Einstein rappelle que l’hubris de ces « grands hommes » et les conséquences de leurs actes sont le cœur du film, au-delà des faits historiques et de l’égo d’un Strauss. Le vrombissement qui accompagne chaque intervalle dans la narration est une allégorie magnifique de ce qui semble habiter Oppenheimer, le rythme du film, haletant et sans temps-morts illustrant à merveille ce constat.

Oppenheimer est un coup d’éclat splendide où la mise en scène est reine, accompagnée par un casting truffé de stars, avec en premier lieu Cillian Murphy, acteur un peu mis sous l’éteignoir ces dernières années, mais dont la relation de travail avec Nolan démontre que cette synergie est vitale pour la réussite d’un aussi grand projet. Il convient de souligner également l’amour du cinéma en pellicule du réalisateur américain, avec cette volonté mainte fois répétée de tourner et de projeter ses films en pellicule, que ce soit en 35 ou 70mm, dans un esprit d’artisanat intact depuis la fin du XXème siècle.

Bande-annonce

19 juillet 2023 – De Christopher Nolan, avec Cillian Murphy, Emily Blunt et Robert Downey Jr.




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