LE CERCLE DES NEIGES
En 1972, un avion uruguayen s’écrase en plein cœur des Andes. Les survivants ne peuvent compter que les uns sur les autres pour réchapper au crash.
Critique du film
Octobre 1972. Un avion uruguayen transportant une équipe de rugbymen et leurs proches s’écrase dans la Cordillère des Andes. Pour ceux qui ont réchappé au crash, commence une lutte acharnée pour survivre dans un des environnements les plus hostiles qui soit. Dès la séquence de l’accident, Le Cercle des neiges renvoie indéniablement à un autre film de Juan Antonio Bayona, The Impossible, qui racontait l’histoire d’une famille séparée par le tsunami qui s’abattit sur la Thaïlande en 2004. On y retrouve la volonté du cinéaste de retranscrire avec le plus de réalisme possible l’horreur de ces catastrophes qui, toutes réelles soient-elles, sont difficilement imaginables pour qui ne les a pas vécues.
Bayona nous immerge ainsi dans une des séquences les plus mémorables de crash d’avion au cinéma. Sa mise en scène est parfaite, le montage visuel et sonore d’une extrême précision, faisant naître en quelques secondes une énorme tension, qui se transforme rapidement en peur puis en douleur, avant que le rythme se ralentisse brusquement pour nous laisser sous le choc, dans la confusion et le chaos des instants qui suivent immédiatement l’accident. En une séquence de seulement quelques minutes, Bayona a posé admirablement le ton de son film. Sa maestria se confirmera un peu plus tard, lors de la séquence de l’avalanche, à la tension suffocante grâce à une gestion exemplaire du rythme.
Mais en dehors de ces deux séquences « catastrophes », Le Cercle des neiges est avant tout un survival, puisque si ce crash d’avion est resté célèbre, c’est bien parce que plusieurs de ses passagers ont réussi à survivre après plus de deux mois passés dans un environnement glacial et sans ressources. On saluera d’ailleurs une nouvelle fois la qualité du montage et du rythme du film, qui arrivent à bien résumer ces deux mois sans longueurs, tout en réussissant à faire ressentir le poids des jours qui passent. Et, bonne surprise, Bayona a choisi de ne pas réitéré le choix du mélo larmoyant de The Impossible pour un traitement plus pudique des faits. Hormis quelques flash-backs et une voix-off dispensables, il ne surligne pas les choses et se contente d’une émotion simple.
Même lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet le plus sensible du film (les survivants ont dû manger les morts pour se nourrir), il ne cherche pas à choquer le spectateur par les images. Bayona fait preuve d’une humilité face à une histoire qui se suffit à elle-même. Comme le titre l’indique, le cœur même du film réside dans l’organisation d’une sorte de société pour la survie, fondée sur l’entraide et l’abnégation, et qui va aussi devoir réécrire ses codes moraux. Cette mise en avant est d’autant plus pertinente que l’Uruguay est alors en pleine crise politique, prémices à la bascule vers une dictature militaire, situation d’ailleurs rapidement évoquée dans l’introduction du film. C’est cependant plus la dimension religieuse qui transparaît dans le film, Bayona justifiant son choix par le fait que l’équipe de rugby était catholique.
Les forces du Cercle des neiges sont aussi ses limites. Si beaucoup de pistes de réflexions intéressantes sont lancées, peu sont réellement approfondies, malgré les pourtant 2h23 de film. On aurait par exemple aimé que le retour des survivants soit plus développé et que leurs choix de survie soient confrontés au regard des autres. On regrette aussi que le film n’offre pas plus de temps aux personnages en eux-mêmes pour créer plus de proximité avec eux. D’autant qu’une des seules scènes à le faire (celle du jeu des rimes) est particulièrement réussie et apporte une occasion bienvenue de souffler un peu.
Avec Le Cercle des neiges, J.A. Bayona démontre une vraie maîtrise dans la mise en scène et signe un film qui ne trahit pas l’intensité dramatique de l’histoire dont il s’inspire. Dommage qu’il nous laisse cependant un petit sentiment de frustration en n’allant pas au bout de toutes ses ambitions.
Bande-annonce
4 janvier 2024 – De Juan Antonio Bayona, avec Enzo Vogrincic Roldán, Simón Hempe, Matías Recalt