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LOVEABLE

Maria et Sigmund se croisent de fête en fête avant de se rendre à l’évidence : ils sont faits l’un pour l’autre ! Une passion fusionnelle et quelques années plus tard, Maria jongle désormais entre une vie domestique avec quatre enfants et une carrière exigeante. Sigmund, lui, voyage de plus en plus pour son travail mais un soir, il annonce qu’il veut divorcer…

Critique du film

Premier long-métrage de la réalisatrice norvégienne Lilja Ingolfsdottir, Loveable (Elskling) est un drame introspectif et poignant qui déjoue les attentes et casse les codes, tout en explorant les complexités de la maternité, des relations familiales et de la quête d’identité.

Le récit suit Maria, interprétée avec intensité par Helga Guren (époustouflante), une mère de quatre enfants de deux pères différents. Son quotidien est marqué par une surcharge mentale constante, exacerbée par l’absence régulière de son mari, Sigmund, souvent en déplacement professionnel. Suite à une énième dispute, lors de laquelle Maria manifeste une hostilité un peu disproportionnée, ce dernier lui annonce son désir de divorcer et Maria se retrouve confrontée à un bouleversement profond qui la pousse à entamer un voyage introspectif, un peu malgré elle. Elle doit alors faire face à ses propres contradictions, à sa rancœur accumulée et à sa peur de l’abandon, tout en tentant de redéfinir son identité en dehors des rôles qui lui ont été assignés.

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Découvert en première française à Visions Nordiques, superbement interprété et brillamment écrit, le film de Lilja Ingolfsdottir met en lumière la charge mentale souvent invisible que portent les mères, devant jongler entre les responsabilités professionnelles et les impératifs familiaux, sans forcément trouver le soutien nécessaire, à une époque où il faudrait tout gérer de front et aussi être une femme accomplie. Cette pression constante conduit Maria à une forme d’épuisement émotionnel, reflet des injonctions sociétales à assumer des rôles multiples sans s’autoriser la moindre défaillance. La réalisatrice norvégienne dépeint avec justesse cette réalité, soulignant les conséquences psychologiques de cette surcharge sur l’individu, sans tomber dans un manichéisme qui consisterait à décrier uniquement le comportement du mari, Sigmund.

Au-delà de la maternité, Loveable illustre la place assignée à chacun·e au sein de la famille et la difficulté de s’en affranchir. Car Maria est enfermée dans des rôles prédéfinis : mère, épouse, fille. Le film questionne ces assignations et montre le cheminement nécessaire pour en sortir. La relation de Maria avec sa propre mère révèle des schémas intergénérationnels de comportement et d’incommunicabilité. En se confrontant à ces modèles, Maria cherche à façonner son identité propre, libérée des attentes familiales et sociétales. Sa prise de conscience lui permettra d’éviter de reproduire le même schéma avec sa propre fille, acceptant finalement ses reproches et sa rancoeur et, ainsi, sa propre imperfection.

Loveable

Lilja Ingolfsdottir adopte une approche réaliste et nuancée, évitant les clichés pour offrir un portrait authentique d’une héroïne entière, sincère et bouleversante. La narration, savamment construite, et l’utilisation de la musique, renforcent l’immersion émotionnelle du spectateur, qui atteint son climax lors d’une inoubliable scène face à un miroir. Les performances des comédien·ne·s, et notamment celle éblouissante d’Helga Guren, apportent une profondeur supplémentaire à cette exploration des relations humaines et de la quête de soi.

Avec Loveable, Lilja Ingolfsdottir signe une première oeuvre brillamment aboutie, profondément touchante et introspective, qui aborde avec sensibilité des thématiques contemporaines sans tomber dans le simplisme. Elle offre une réflexion subtile sur la maternité, les rôles familiaux et la nécessité de se redécouvrir pour briser les schémas établis, autant que celle de s’aimer soi-même pour mieux accueillir l’amour de celles et ceux prêt·e·s à nous en donner. Un premier long-métrage formidable qui marque la naissance d’une réalisatrice passionnante, dotée d’une maîtrise remarquable de la narration et d’une finesse prodigieuse dans son écriture et sa direction d’acteurs.​ Impressionnant !

Bande-annonce

18 juin 2025 – De Lilja Ingolfsdottir


À lire bientôt : notre interview de la réalisatrice