THE LAST PARADISE ON EARTH
Kári vit paisiblement sur un archipel de l’Atlantique Nord. Alors que ses amis cherchent à fuir cet endroit sans avenir, il lutte pour préserver sa famille et sa communauté. Confronté à des tensions avec sa sœur rebelle, un amour naissant avec une jeune fille ambitieuse, et la douleur de la perte de sa mère, il tente de maintenir l’équilibre de sa vie. Lorsque l’usine de transformation de poissons, clef de l’économie locale, menace de fermer, Kári voit son dernier espoir s’éteindre. Pourtant, il refuse d’abandonner : pour lui, sa ville natale est le dernier paradis sur terre.
Critique du film
Peu de films nous parviennent des Iles Féroé, archipel autonome d’îles situées entre l’Islande et la Norvège mais faisant partie du Royaume du Danemark. Certaines années, aucun film n’y est même produit. C’était donc forcément une curiosité que de découvrir The last paradise on earth, deuxième film de Sakaris Stóra, à l’occasion de sa présentation au festival Visions Nordiques. Après avoir travaillé en Norvège, le Féroïen avait envie de revenir sur ses terres et de mettre en avant cette communauté importante de son pays natal.
Tourné à Suduroy, dans un cadre sauvage d’une prodigieuse beauté, The last paradise on earth aurait très bien pu s’appeler Should I stay or should I go, en référence au tube des Clash, parce qu’il raconte essentiellement le questionnement d’une jeunesse dont les perspectives sont faibles et tendent à se réduire. Suivant Kári, jeune homme taiseux qui travaille comme ouvrier dans une usine de transformation de poissons, le récit présente son quotidien routinier alors que son emploi est menacé, la petite usine étant au bord de la faillite.
Offrant un état des lieux, qui met en exergue les conséquences du capitalisme (les petites entreprises ne peuvent survivre face aux grandes usines automatisées) et celles du dérèglement climatique (le poisson se fait de plus en plus rare à cause du réchauffement des océans), le long-métrage pose son contexte social pour mieux illustrer le dilemme rencontré par son personnage principal, très attaché à son village, seul lien avec sa défunte mère, tandis qu’il se retrouve en charge de sa soeur adolescente qu’il ne veut abandonner.
« La mer est en train de mourir, tout disparait. »
Dans un environnement où l’essentiel de l’activité est concentré autour de la pêche et de l’élevage de bétail, les opportunités professionnelles sont aussi rares que les sources de divertissement. La maison familiale est en ruines, le temps des petites usines est révolu, et sa famille ne communique plus vraiment depuis le décès de la mère, qui était très appréciée dans la communauté. The last paradise on earth illustre le contraste entre la splendeur des paysages et le désoeuvrement matériel et psychologique de ce jeune homme n’ayant pas encore fait son deuil.
« Tout a changé, mais le village est resté le même. »
Avec une économie de moyens et de dialogues, le film de Sakaris Stóra dresse le portrait d’un homme au début de sa vie d’adulte, en quête de sens et de reconstruction, qui cherche à rétablir le lien avec sa soeur pour, peut-être, refaire famille. La relation entre Kári et sa soeur Silja est le coeur émotionnel du film, faisant de la parole, de l’empathie et de la mémoire les voies essentielles pour retisser une solidarité intra-familiale. En ce sens, la scène de la lettre griffonnée sur quelques bouts de papier et pudiquement lue par le jeune homme est l’un des beaux moments de cette oeuvre épurée, poétique et d’une profonde humanité.
Inédit – Réalisé par Sakaris Stora