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LES FILLES DÉSIR

Marseille en plein été. À 20 ans, Omar et sa bande, moniteurs de centre aéré et respectés du quartier, classent les filles en deux catégories : celles qu’on baise et celles qu’on épouse. Le retour de Carmen, amie d’enfance ex-prostituée, bouleverse et questionne leur équilibre, le rôle de chacun dans le groupe, leur rapport au sexe et à l’amour.

Critique du film

Autrice marseillaise engagée, Prïncia Car a co-écrit son premier film aux côtés de Léna Mardi, avec le soutien d’un collectif riche de voix diverses, toutes citées au générique. Cette écriture collective s’inscrit dans une démarche politique et inclusive : ce sont autant de regards pluriels sur la jeunesse, le désir, les genres et la marginalité, réunis pour déconstruire les codes dominants du récit adolescent.

Présenté à la Quinzaine des cinéastes, Les Filles Désir de Prïncia Car s’inscrit dans cette intention, offrant un premier long-métrage abrasif et sensuel, qui explore le désir adolescent par un prisme d’abord discrètement politique. Dès les premières scènes, on remarque le style adopté par la cinéaste : sa mise en scène est directe, vibrante, sa caméra au plus près des corps, la lumière est crue et les scènes s’enchaînement, assumant ses ruptures de ton – autant de choix formels qui traduisent une énergie brute et une volonté de ne rien lisser du trouble.

Le récit s’ouvre depuis le point de vue d’Oumar, un jeune homme sensible et honorable, mais ancré dans des schémas patriarcaux inconscients. Il est en couple avec Yasmine, qu’il perçoit comme « sérieuse », presque idéale. De celles qui sont dignes d’être épousées. Lorsque Carmen, son amie d’enfance, revient dans leur vie, elle fait éclater l’équilibre fragile tant de son groupe de copains que du couple qu’il forme avec sa petite-amie. Parce que Carmen fascine autant qu’elle dérange : le désir qu’elle suscite, tout en étant revendiqué, est aussi violemment accompagné de stéréotypes sexistes qui opposent la fille « respectable » à la fille « facile » qui a été contrainte de monnayer ses charmes pour subsister à ses besoins. Le film interroge alors subtilement la manière dont les hommes (et parfois les femmes) projettent leurs fantasmes et leurs peurs sur les corps féminins.

les filles désir

Mais dans le dernier quart d’heure, Les Filles Désir opère une bascule judicieuse : le point de vue se déplace, s’ouvre, et donne enfin voix à celles qui étaient jusque-là regardées. Yasmine et Carmen se détachent de l’image que les autres ont construite pour elles, et le récit accède à une nouvelle forme de subjectivité bienvenue. Cette réorientation du regard n’est pas qu’un effet de scénario : elle incarne une prise de pouvoir féministe, une reprise de contrôle sur la narration même après plus d’une heure de récit orientée autour des seules perceptions conservatrices de la troupe masculine.

Derrière l’apparente chronique adolescente se déploie un geste politique plus affirmant : en brisant les assignations, Les Filles Désir propose une nouvelle cartographie du sentiment amoureux, où les jeunes filles ne sont plus des objets de désir ou de rivalité, mais des sujets de leur propre récit. On en vient presque à regretter que le revirement narratif judicieux n’arrive que trop tardivement.

Bande-annonce

16 juillet 2025 – De Prïncia Car


Cannes 2025Quinzaine des Cinéastes