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HOPELESS

Pour fuir une vie sans avenir et sans espoir, un jeune homme est entraîné dans une spirale de violence qui le conduira au cœur d’une organisation criminelle menée par un leader charismatique.

Critique du film

Présenté à Cannes en 2023 dans la sélection Un certain regard, Hopeless est un premier long-métrage prometteur. Comme bien des cinéastes sud-coréens avant lui, Kim Chang-hoon s’attaque aux inégalités qui ravagent sa terre natale. En ressort une extrême brutalité, inspirée des films de vengeance du début des années 2000 au pays du Matin calme. Dans ce tableau macabre, tout est prétexte au sang, de la dispute de jeunes délinquants à la violence domestique subie par le protagoniste, sa mère et sa demi-sœur. Son beau-père alcoolique lui fait vivre un enfer… jusqu’à ce que les mafieux du coin s’en mêlent et entraînent le jeune Yeon-gyu dans les abîmes de la barbarie. Si ce dernier fait d’abord office de phare dans cette ville gangrénée, il finit inévitablement par subir le même sort que tous les jeunes de son quartier : une existence marquée par le crime, seul gage de survie dans cette ville sordide.

La crasse envahit l’écran de ce film noir dès la première scène, lorsque la caméra se relève du sol d’une cour de récréation pour dévoiler un énorme caillou dans les mains du jeune Yeon-gyu, qui l’utilise pour assommer un élève qui persécute sa demi-sœur. Le sang de ce dernier annonce l’odyssée de terreur à venir, dont protagonistes et spectateurs ne se libèreront qu’au générique. Pour Yeon-gyu et sa famille, l’étau se resserre constamment jusqu’au final d’une grande intensité. Les scènes de torture et de bagarre — qui rappellent celles de Park Chan-wook — sont particulièrement réussies, filmées sans le moindre filtre, suscitant dégoût et compassion envers les victimes de cette mafia sans retenue.

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Cette violence est le seul remède apparent au désespoir ambiant. Parce que Hopeless porte très bien son nom : toute lueur d’espoir s’est éteinte. Le chaos est la seule option pour sortir de ce petit village modeste. Kim Chang-hoon marche dans les pas de Bong Joon-ho, qui a fait de la critique du système un pilier de son œuvre. Dans Parasite, il mettait l’accent sur la déconnexion des ultra riches. Avec The Host, c’était le gouvernement tout entier qui est pointé du doigt. La noirceur de Hopeless fait davantage écho à celle de Memories of Murder. La pègre prend a place du tueur en série, le duo de flics condamnés à dérailler est remplacé par un gamin déchaîné. En plus de l’élite sud-coréenne, les plus démunis en prennent eux aussi pour leur grade. Loin d’être exempts de tout reproche. Ces derniers deviennent violents par nécessité mais aussi par abandon, incapable de discerner une alternative au crime pour sortir de ce cycle infernal. Si Na Hong-jin a attribué le Mal à une seule entité dans The Chaser et The Strangers, Kim Chang-hoon affirme qu’il réside en chacun de nous, à cause d’un système qui permet aux plus forts de s’enrichir et condamne les plus petits à s’entretuer.

Au pays des pères absents ou abusifs, les garçons se battent et les filles se prostituent pour survivre. C’est dans ces actes décrits avec recul que Hopeless est le plus réussi. Les regards éteints, les cicatrices indélébiles et les corps endoloris filmés de près traduisent une tristesse infinie. Mais malgré son nouveau montage post-Cannes, une certaine frustration émane du long-métrage. Au lieu de s’attarder sur cette férocité évocatrice, Hopeless plonge parfois dans des tunnels de dialogues peu inspirés, dont la lourdeur empiète sur certaines séquences qui se seraient passées de dialogues.

C’est notamment le cas de la relation centrale du long-métrage, entre Yeon-gyu et son mentor mafieux Chi-geon. Ce rapport fraternel, amical et parfois même érotique trouve son inspiration dans Les Affranchis, référence évidente de ce premier film. Chi-geon apporte un semblant d’humanité à cette mafia sans scrupule, et est assurément le meilleur personnage du film malgré tous les clichés qu’il coche dès sa première apparition (fumeur, peu bavard, d’une beauté irrésistible…). Quand il assume son côté sombre et relègue les dialogues convenus au second plan, Hopeless est un film d’une grande force, qui annonce une carrière pleine de promesses pour Kim Chang-hoon. Le film noir sud-coréen est entre de bonnes mains.

Bande-annonce




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