FREUD, LA DERNIÈRE CONFESSION
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Sigmund Freud s’est réfugié à Londres, en compagnie de sa fille Anna. Sous l’effet de l’âge et de la maladie, la star mondiale de la psychanalyse s’est changée en un vieillard aigri et capricieux. Mais la curiosité du professeur est piquée au vif lorsqu’un certain C.S Lewis, romancier et chrétien revendiqué, le mentionne dans l’une de ses publications. Leur rencontre autour de la question de Dieu va tourner au duel…
Critique du film
Le père de la psychanalyse a été décortiqué en long et en large par la littérature scientifique, au point de remettre aujourd’hui en cause ses théories ainsi que sa méthode fondamentale. Pourtant, le septième art s’est jusqu’à présent assez peu emparé de l’homme, sujet sûrement trop peu imagé pour espérer se voir mis en scène par quiconque. Matt Brown tente pourtant de relever le défi, en ne s’attelant pas à la réalisation d’un biopic, comme le cinéma américain les affectionne tant ces dernières années, mais en se focalisant sur une fenêtre plutôt courte à l’échelle de la vie de Sigmund Freud : son ultime agonie. L’occasion ici de mettre le docteur face à sa condition inéluctable d’humain.
La mort n’effraie pas tant le psychanalyste, incarné par un Anthony Hopkins physiquement bien casté, c’est ce qui entoure la fin qui sabote ses pensées, le pré-néant. Des doutes transmis à l’écrivain C. S. Lewis (dont l’ultime interview avec Freud reste historiquement hypothétique). Les deux hommes tiennent le film dans ce qui semble presque être un long dialogue de théâtre, des cris, des marmonnements, des apaisements survenant à la veille d’un monde s’apprêtant à être chamboulé. L’entretien semble comme hors du temps lorsqu’on connaît la suite à donner.
C’est en opposant la foi chrétienne aux constantes explications sexuelles de Freud que se manifeste la machinerie principale du film. L’œuvre tente de contrer celui qui s’est acharné à autopsier l’esprit humain en le positionnant face à ce qu’il ne pourra jamais atteindre. Ce propos s’avère éminemment philosophique, mais en réalité purement dialectique puisque Matt Brown peine à transformer cette longue conversation en un moment saisissant, bien qu’il tente d’insérer ici et là quelques séquences oniriques, jamais vraiment à la hauteur de ce qu’on imagine d’une rêverie Freudienne.
Quant à la soi-disant confrontation des idées sur la sexualité infantile et l’inconscient face à Dieu et à l’humain, la chose pourrait être étudiée à travers la fille de Sigmund Freud, incarnée ici par Liv Lisa Fries, dont la relation homosexuelle semble être en directe corrélation avec les théories de son père. La représentation de cette figure porte cela-dit à confusion, Anna Freud étant grandement réduite à son problème d’attachement vis-à-vis de son père, éludant ainsi totalement l’ambiguïté de la personne. Il reste toujours utile de rappeler qu’Anna Freud (dernière enfant du psychanalyste) est une figure sujette à débat, dont l’homosexualité semble avoir trouvé un pareil dans son homophobie (en grande partie du fait de son paternel), une sorte de « refoulée » pour employer un terme plus contemporain. En ce sens, le film assume son parti-pris ; seule sa facette lesbienne sera ici traitée, nullement sa haine quasi bipolaire envers les personnes homosexuelles provoquée par les théories aujourd’hui archaïques de son père. Les seuls éléments mettant sur la piste relèvent davantage du doute personnel, ce qui est bien loin des propos tenus par Anna Freud.
S’il ne s’agissait aucunement de faire le procès d’un personnage datant d’il y a plus d’un siècle, explorer les changements profonds liés à cette personnalité aurait sûrement inscrit le film dans une démarche plus légitime, et surtout bien plus pertinente qu’une simple retranscription des faits. Terriblement, Freud, la dernière confession s’apparente ainsi davantage à une interview reconstituée qu’à du pur cinéma tant le long-métrage brasse large en remettant au premier plan les théories freudiennes, dans le seul but d’entretenir une discussion, captivante à écouter mais d’une grande banalité artistique.
Bande-annonce
4 juin 2025 – De Matt Brown