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CANNES 2022 | La sélection de la 75e édition

Entre éclectisme et regards politiques contemporains : 
Nos attentes pour le 75ème festival de Cannes

Après une édition 2021 gargantuesque en nombre d’œuvres présentées (près d’une centaine), le Festival de Cannes a dévoilé lors de sa traditionnelle conférence de presse la sélection des longs-métrages qui concourront en mai pour la Palme d’Or. Sur les 2 200 films soumis au comité de sélection, dix huit ont été finalement retenus pour intégrer la compétition officielle (même si quelques ajouts sont à prévoir dans les prochains jours). Un large panel qui, sur le papier, a de quoi séduire et faire trépigner d’impatience, tant il semble parfaitement représenter la diversité du cinéma international actuel. Petit tour d’horizon des films qui promettent leur lot d’émotion, de mise en scène, d’engagement politique… Bref, de Cinéma !

RETOUR(S) AUX SOURCES ?

Comme chaque année, le festival accueillera ses ‘’habitués’’, ceux qui ont déjà eu les honneurs de la compétition officielle. C’est notamment le cas de David Cronenberg qui présentera l’intrigant Les Crimes du Futur, huit ans après Maps to the Stars (déjà en lice pour la Palme d’Or en 2014). Les premières images ultra dérangeantes révélées en parallèle de la conférence de presse confirment un retour du cinéaste canadien à ses premières amours : le « body-horror » et les transformations du corps humain vers une étrange symbiose organique/mécanique. À 79 ans, s’agirait-il du film-somme (voire testamentaire) d’un artiste qui viendrait y déverser toutes ses obsessions ? La bande-annonce qui évoque autant eXistenZ que Le Festin nu (sans parler du titre du film, calqué sur celui d’un court-métrage réalisé par Cronenberg lui-même en 1970) le laisse fortement penser.

Les crimes du futur
Autre figure incontournable du festival : James Gray qui fête avec Armageddon Time sa 6ème sélection cannoise. Après avoir quitté son cocon new-yorkais pour explorer les confins du monde (The Lost City of Z) et de l’univers (Ad Astra), Gray semble lui aussi revenir à une œuvre plus personnelle et ouvertement autobiographique, au travers d’un récit qui suivra le parcours d’un adolescent dans le Queens des années 80. Une démarche introspective qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Paul Thomas Anderson et son Licorice Pizza, sorti il y a quelques mois (même si on imagine le traitement radicalement différent). Il y a en tout cas fort à parier que ce nouveau long soit plus que jamais l’opportunité pour Gray de prolonger ses réflexions autour de son sujet de prédilection : la famille et ses ambivalences sur fond de rêve américain illusoire.

Armageddon time
Après avoir frôlé la Palme d’Or avec Old Boy en 2000, Park Chan Wook saura-t-il de nouveau séduire le jury avec Decision to leave ? Le grand formaliste sud-coréen revient aux manettes d’un thriller aux accents hitchcockiens dans lequel un détective enquête sur la mort suspecte d’un homme en haute montagne et tombe sous le charme de sa veuve, qu’il soupçonne du meurtre. Avec un tel pitch, nul doute que le cinéaste saura mettre toute sa maestria visuelle et narrative au service d’un récit tortueux et de personnages troubles. Et si le résultat s’avère aussi ludique et jouissif que le sublime Mademoiselle, on ne peut qu’espérer retrouver Park-Chan Wook au palmarès le 28 mai prochain.

Decision to leave
On doit l’un des projets les plus insolites de la compétition au polonais Jerzy Skolimowski, déjà deux fois primé à Cannes (Grand Prix du Jury en 1978 pour Le Cri du sorcier et Prix du Scénario en 1982 pour Travail au noir), et de retour avec Hi-Han. Présenté comme une adaptation moderne du film de Robert Bresson, Au hasard Balthazar, le film reprendra la trame narrative de son modèle, à savoir le destin d’un âne de cirque de sa naissance à sa mort. Avec cette histoire aux allures de fable désabusée, Skolimowski devrait réaffirmer la pertinence du propos de l’œuvre originelle. Le film sera d’autant plus scruté qu’il mettra en scène l’inclassable Isabelle Huppert, une autre grande habituée de la croisette.

QUESTION DE REGARDS

Thierry Frémaux l’a réaffirmé lors de la conférence de presse, le festival de Cannes met un point d’honneur à mettre en lumière des œuvres ancrées dans le réel et qui interrogent la société contemporaine. On peut donc espérer découvrir des propositions fortes et remuantes de ce côté, à commencer par Leila’s Brothers de Saeed Roustaee. Si on ne sait pour l’instant pas grand-chose du film (hormis son titre), on attend énormément du réalisateur de La Loi de Téhéran. Joli succès critique et public de l’été dernier (plus de 185 000 entrées en France), ce thriller sec et brutal voyait se confronter flics et voyous dans une société iranienne au bord du chaos, gangrénée par la consommation de crack. On espère un choc de la même intensité avec cette première sélection cannoise du cinéaste iranien.

Leila's brothers
L’excitation est également de mise pour le nouveau film de Tarik Saleh qui viendra défendre Boy from heaven, thriller politique sur fond de guerre idéologique au sein d’une université religieuse dans la ville du Caire. Un vaste sujet, aussi brulant que passionnant et qui risque de générer des débats théologiques animés ! Le film devrait néanmoins pouvoir compter sur le savoir-faire incontestable de son réalisateur, celui-ci ayant prouvé avec Le Caire Confidentiel qu’il savait soigner autant le fond que la forme pour aborder des problèmes épineux tels que la corruption systémique qui empoisonne la société égyptienne.

Boy from heaven
Dans un registre à priori plus intime, le belge Lukas Dhont pourrait bien venir bousculer les festivaliers avec Close, l’histoire d’une amitié fusionnelle entre deux garçons de 13 ans qu’un événement tragique va séparer. Sous ses airs de mélo qui rappelle le très beau Eté 85 de François Ozon, se dessine probablement un récit d’apprentissage sensible et pudique. Un portrait de l’adolescence qui ne devrait pas empêcher le cinéaste d’aborder certaines thématiques sociétales fortes, dans la continuité de son travail sur Girl. Le précédent long-métrage de Dhont, lauréat de la Caméra d’Or en 2018, s’intéressait alors avec beaucoup de finesse à la question du genre et de l’identité. Un regard de cinéaste unique qu’il nous tarde de retrouver avec Close.

Close
Pour une vision plus acide de la société, il faudra vraisemblablement se tourner vers la Suède. Ruben Östlund revient à Cannes, 5 ans après sa Palme d’Or pour présenter Le Triangle de la tristesse, une comédie grinçante qui devrait pousser à fond les curseurs de la satire comme le laisse entendre son résumé officiel. L’intrigue suivra les passagers et l’équipage d’une croisière de luxe, échoués sur une île déserte et dirigés par un capitaine marxiste ! Si The Square (son précédent long primé à Cannes) traitait de l’hypocrisie humaine via une critique virulente du monde de l’art contemporain, son nouveau film semble se diriger vers une peinture encore plus frontale de la lutte des classes. The Square ayant laissé pas mal de spectateurs dubitatifs, Le Triangle de la tristesse rend au moins curieux de par l’apparente audace de son réalisateur, bien décidé à tracer un sillon déjà identifiable dans Snow Therapy présenté à Un Certain Regard en 2014.

Le triangle de la tristesse
Si la parité est (très) loin d’être respectée au sein de cette sélection, la compétition verra néanmoins le retour d’une réalisatrice familière du festival : Claire Denis, dont le dernier film en lice pour la Palme d’Or remonte tout de même à 1988 avec Chocolat. La cinéaste présentera cette fois ci Des étoiles à midi, filmé en anglais et en Amérique centrale. D’abord prévu avec Robert Pattinson dans le rôle principal, le tournage avait dû être reporté à cause de la crise sanitaire mondiale. Claire Denis s’était alors concentré sur un projet parallèle, Avec amour et acharnement, qui lui a valu d’être récompensée à la dernière Berlinale par l’Ours d’Argent. La concrétisation de son adaptation du roman de Denis Johnson sera-t-elle autant plébiscitée ? Il y sera question d’une romance en pleine révolution sandiniste entre une journaliste américaine et un homme d’affaires anglais. Décrit par Thierry Frémaux comme un ‘’film d’ambiance, à la lisière du polar diplomatique’’, le film devrait recéler son lot d’images fortes, la réalisatrice n’hésitant jamais à mettre à mal son spectateur.


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