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CANNES 2022 | 2e partie

Cette 75ème édition ne déroge pas à la règle de l’habile mélange entre réalisateurs confirmés et récompensés par le passé à Cannes, et nouveaux venus poussant la porte et armés de grandes ambitions. Dans la première catégorie on trouve trois réalisateurs récipiendaires de la Palme d’or, avec pour commencer les doublement victorieux frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne. Rosetta (1999) et l’Enfant (2005) ont déjà eu les honneurs du prix suprême leur permettant de gagner le club très restreint des doubles palmés (il n’y en a que 7 à ce jour), au même titre que Francis Ford Coppola ou Michael Haneke. Leur nouveau film, Tori et Lokita, tourne son regard sur de jeunes adolescents issus d’Afrique et leur intégration dans la société belge. Co-production majoritairement française, on retrouve leur producteur historique Denis Freyd par le biais de sa société Archipel 35 aux manettes. Tout comme pour leur dernier film Le jeune Ahmed (2019), également présenté en compétition, c’est un casting de visage frais et pour majorité non-professionnels qui compose le film.

Tori et Lokita
Hirokazu Kore-eda a quant à lui gagné la Palme d’or en 2018 pour Une affaire de famille, amorçant par la suite une envie de tournage hors du Japon, exportant son regard tout d’abord en France avec Juliette Binoche pour La Vérité (2019). Broker est pour lui l’occasion de tourner en Corée du Sud avec l’immense Song Kangho (Memory of Murder, Parasite) et de retrouver Bae Doona, qu’il avait déjà fait jouer dans Air doll en 2009. La promesse de la réunion de ce duo d’acteurs sous la férule du réalisateur de Nobody Knows est des plus excitantes. Le film parle des boites existantes en Corée où des parents peuvent déposer leur enfant pour que celui-ci soit adopté par une famille de substitution. L’auteur japonais n’a de cesse d’analyser les différentes formes de familles, qu’elles soient naturelles ou de circonstances au sein de problématiques en apparence simples mais terriblement complexes.

Song Kangho
C’est du coté de la Transylvanie qu’il faut chercher le troisième membre de cette confrérie de gagnants du festival de Cannes avec le roumain Cristian Mungiu, révélé en 2007 par son film 4 mois, 3 semaines, 2 jours. C’est un retour à Cannes en compétition pour lui, six années après son très beau Baccalauréat qui lui avait valu le prix de la mise-en-scène. Produit par Why not productions et distribué en France par Le pacte, le film s’attache au personnage de Matthias, de retour dans son village natal de Transylvanie quelques jours avant Noël. Il vient de quitter son emploi en Allemagne pour rejoindre sa famille. L’intrigue s’attache à montrer la distanciation de ce père avec son fils et l’arrivée de travailleurs étrangers qui bouleversent l’économie locale. Le sujet est vaste et semble épouser à merveille les qualités d’analyse et de lecture de la société roumaine du cinéma de Mungiu.

RMN
On retrouve ensuite une catégorie plus « intermédiaire », faite de cinéastes habitués de l’événement, jamais encore primés, mais ambitionnant d’être récompensés par la plus haute distinction. Le premier d’entre eux est sans doute Kirill Serebrennikov, enfin débarrassé de son assignation à résidence qui l’avait empêché de venir présenter Leto en 2018 et La fièvre de Petrov en 2021. Son nouveau projet se nomme La femme de Tchaïkovski et s’intéresse aux amours tumultueux du couple du célèbre compositeur russe et Antonina Milioukovas, son épouse. L’histoire doit explorer les personnalités presque antagonistes des deux personnages et une histoire très singulière qui voit l’héroïne sombrer dans la folie après la mort de son mari à la fin du XIXème siècle. Les deux derniers long-métrages du natif de Rostov en Russie ont montré tant de qualités formelles et une capacité à rebondir d’un film à l’autre, que ce nouveau long-métrage n’en est que plus intrigant et à suivre au sein d’une compétition qui s’annonce par ailleurs assez homogène.

Tchaikovski
Si Arnaud Desplechin est un habitué de la compétition, où il a déjà figuré par exemple pour Jimmy P. (2013) et Roubaix, une lumière (2019), il n’a jamais été distingué pour l’un de ses films d’un prix du jury cannois. Il revient à Cannes après y avoir présenté Tromperie l’an passé dans la toute nouvelle section Cannes Première. Son nouveau film se nomme Frère et sœur, fruit d’une co-production entre Arte et Why not. On y retrouve dans les deux premiers rôles Melvil Poupaud et Marion Cotillard, autre grande habituée de Cannes. Comme son titre l’indique, il s’agit de l’histoire d’un frère et d’une sœur qui se détestent depuis plusieurs décennies. Ils se retrouvent pour la première fois, forcés à être réunis aux obsèques de leurs parents. La notion de fratrie est très forte chez Desplechin, qui a lui même une sœur aînée, Marie, écrivaine reconnue. On sent la veine semi-autobiographique déjà fortement présente dans son œuvre revenir à grand pas dans ce nouveau film où on retrouve également Golshifteh Farahani et Patrick Timsit.

Frère et soeur
De retour en compétition après Un château en Italie en 2013, Valeria Bruni Tedeschi présente Les amandiers, du nom du Théâtre dirigé par Patrice Chéreau à Nanterre dans les années 1980. On y suit de jeunes acteurs d’une vingtaine d’années, joués notamment par Nadia Tereszkiewicz (Babysitter), Sofiane Bennacer et Vassili Schneider. Les rôles de Patrice Chéreau et Pierre Romans, les deux directeurs du Théâtre, sont joués respectivement par Louis Garrel et Micha Lescot. Le scénario est l’œuvre de la franco-italienne et de Noémie Lvovsky, pour un sujet qui s’annonce passionnant, même s’il est compliqué de s’attaquer à la statue du commandeur que représente Patrice Chéreau, véritable figure tutélaire de toute une génération d’acteurs et d’actrices, tant au cinéma qu’au théâtre.

Les Amandiers
Plus inattendue est la présence du nouveau film de Mario Martone, Nostalgia, au sein de cette liste de prétendants à la Palme d’or le 28 mai prochain. Le réalisateur italien est un habitué des grands festivals internationaux, il a notamment eu les honneurs de la compétition sur la Croisette en 1995 pour L’amour meurtri, son deuxième film, avant de revenir régulièrement dans des sélections parallèles, comme pour Théâtre de guerre en 1998 à Un certain regard, ou encore en 2003 avec L’odeur du sang à la Quizaine des réalisateurs. Ce sera l’occasion de retrouver le grand acteur italien Pierfrancesco Favino après son rôle dans l’excellent Le traître de Marco Bellochio, en compétition en 2019. Il y a incarne un homme de retour dans sa ville de Naples après 40 ans d’absence, avec une ré-acclimatation qui s’annonce difficile et âpre.

Nostagia
On retrouve enfin deux cinéastes qui figurent pour la première fois de leur carrière en compétition à Cannes, et qui font figure d’outsiders à grand potentiel au sein de ce 75ème festival.

Kelly Reichardt est une des trop rares réalisatrices sélectionnées cette année par l’équipe de Thierry Frémaux, mais c’est aussi un des talents les plus brillants de sa génération, presque caché par une exposition médiatique presque inexistante. Peu distribuée en France, peu représentée dans les grands festivals internationaux, elle a pourtant su construire une œuvre cohérente et virtuose depuis son premier film River of Grass en 1994. Showing up succède donc à First cow, son sublime dernier film qui avait eu toutes les peines à gagner les écrans tricolores après une première diffusion sur une plateforme numérique. On y retrouve une habituée de la cinéaste étasunienne, Michelle Williams, pour une quatrième collaboration commune depuis Wendy et Lucy en 2008. Le film se concentre sur une artiste après son vernissage ainsi que sur son rapport à l’art dans un moment charnière pour sa carrière et ses relations avec ses proches. A noter que le film n’a toujours pas à ce jour de distributeur français, preuve des difficultés toujours existantes pour Kelly Reichardt à voir ses films exploités sur notre territoire.

Showing up

Ali Abbasi clôt cette liste de 18 cinéastes. Il s’était fait remarquer avec Shelley à la Berlinale en 2016 puis en 2018 avec son film Border en sélection officielle à Cannes dans la section Un certain regard, où il y avait reçu le Grand prix. Né en Iran, l’auteur vit depuis de nombreuses années en Suède, témoin de la nature composite de son cinéma aux identités multiples. Amateur d’un cinéma qui tire autant du coté du thriller que du conte horrifique, c’est presque logiquement qu’il hisse son troisième long-métrage, Holy Spider, en compétition officielle à Cannes. Le film parle d’un père de famille qui se lance dans une croisade religieuse personnelle avec pour but d’éradiquer la prostitution de sa ville. Il se lance dans une série de meurtre sanglant qui donne le ton d’un film radical dans la lignée des précédentes œuvres d’Abbasi. Pour la première fois, c’est en Iran que se situe son histoire, à Mashhad, au nord du pays, témoin d’un retour aux sources pour cet auteur de quarante ans.

Holy spider

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