QUINZAINE DES RÉALISATEURS | Une superbe sélection paritaire (Cannes 2022)
Alors que Thierry Frémaux dévoilait le 13 avril dernier la sélection officielle des films en compétition pour la Palme d’Or, Paolo Moretti a officialisé ce jour la magnifique composition de la Quinzaine des Réalisateurs 2022 qui fait la part belle aux cinéastes de tous horizons et s’offre une parité qu’avait quelque peu zappé la sélection officielle.
Notons qu’en parallèle de la présentation de son nouveau long-métrage (enfin) en compétition, la Société des réalisateurs de films rendra hommage à la cinéaste américaine Kelly Reichardt, dont on célèbrera l’oeuvre politique et humaniste toujours ancrée dans le terroir américain, explorant l’histoire des outsiders de ses contrées rurales. Celle-ci recevra le Carrosse d’Or le 18 mai 2022 à Cannes, lors de la Cérémonie d’ouverture de la Quinzaine, neuf ans après Jane Campion.
En amont de la conférence de presse, une info avait déjà été officialisée : c’est le film L’envol de Pietro Marcello (Martin Eden) qui fera l’ouverture de cette Quinzaine des réalisateurs le 18 mai. Pour son premier film tourné en France, l’italien proposera un conte musical et historique – dont le récit se tient dans les Hauts-de-France – librement inspiré de Les Voiles Écarlates d’Aleksandr Grin. L’envol suit l’histoire de la jeune Juliette, fille unique vivant avec son père, un soldat rescapé de la Première Guerre mondiale. La jeune fille solitaire, passionnée par le chant et la musique, rencontre une magicienne qui lui fait part d’une prophétie : les voiles écarlates viendront, un jour, l’emmener loin de son village.
Les auteures à l’honneur
Après Ava, la réalisatrice et scénariste Léa Mysius signe son second long-métrage avec Les cinq diables, pour lequel elle retrouve Noée Abita, qu’elle avait révélée dans sa précédente fiction, et qui sera entourée d’Adèle Exarchopoulos et Sally Drame. Les cinq diables partage de nombreux points communs avec L’envol, comme celui de suivre une petite fille étrange et solitaire possédant un don. La jeune Vicky est capable de sentir et reproduire toutes les odeurs de son choix. Quand la soeur de son père, Julia, fait irruption dans leur vie, Vicky retombe dans ses souvenirs magiques alors qu’elle se lance dans l’élaboration de son odeur. Dans cette entreprise obscure, elle ne tardera pas à découvrir les secrets de son village, de sa famille et de sa propre existence.
Deux autres réalisatrices dont on aime à suivre le travail ont également été sélectionnées à la Quinzaine : Mia Hansen-Love, de retour avec Un beau matin, un an après l’enivrant Bergman Island, et Alice Winocour, dont on guettait le nouveau film après le très réussi Proxima. Cette dernière, pour Revoir Paris, dont elle bouclait il y a quelques semaines encore le montage, a dirigé de nouvelle une belle distribution puisque Virginie Efira, Benoît Magimel et Grégoire Colin partagent l’affiche de son 4e long-métrage qui traitera du traumatisme des attentats des terrasses à Paris. Le récit se situe trois mois après, alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle de la tragédie que par bribes. Pour se reconstruire, Mia prend la décision de fouiller dans sa mémoire afin de retrouver le chemin d’un bonheur possible. Nul doute que son interprète, maitresse de cérémonie de la sélection officielle, devrait porter avec le talent qu’on lui connait ce rôle fort en dramaturgie.
Grande star (absente pour cause de COVID l’été dernier) de la 74e édition, Léa Seydoux tient le premier rôle d’Un beau matin, et campe Sandra, une jeune mère qui élève seule sa fille et rend fréquemment visite à son père malade, Georg (Pascal Greggory). Alors qu’elle doit livrer un combat pour le faire soigner, elle retrouve un ami perdu de vue, incarné par Melvil Poupaud.
Pour sa première réalisation, la québécoise Charlotte Le Bon se retrouve sélectionnée pour son intriguant Falcon Lake, une histoire d’amour et de fantômes avec Joseph Engel, Sara Montpetit et Monia Chokri.
Récemment à l’honneur au cinéma, avec le remarquable L’événement d’Audrey Diwan, mais aussi Passion simple et J’ai aimé vivre là, l’écrivaine Annie Ernaux fait ses débuts à la réalisation accompagnée de son fils, David Ernaux-Briot, avec Les années Super 8., qui devrait explorer le passé de l’autrice dans un documentaire que l’on imagine déjà intime et chargé d’émotions.
De son côté, Véréna Paravel & Lucien Castaing-Taylor proposeront aussi leur documentaire, De Humani Corporis Fabrica.
Nicolas Pariser en clôture
Outre les autrices françaises, la Quinzaine des Réalisateurs accueillera également l’américaine Anna Rose Holmer dont on découvrira le nouveau long-métrage après le troublant The fits, dévoilé au festival de Deauville il y a quelques années. God’s creatures, co-réalisé avec Saela Davis, s’annonce déjà comme l’une des curiosités de cette audacieuse sélection, portée par le duo de comédiens Emily Watson et Paul Mescal.
Du côté des metteurs en scène français, deux cinéastes de renom feront leur retour sur le devant de la scène puisque Philippe Faucon (césarisé pour Fatima) dévoilera mi-mai Les harkis, fiction historique et sociale tenant place à la bascule des années 50 et 60, quelques années avant l’indépendance de l’Algérie. Le nouveau film du réalisateur d’Amin suivra plusieurs jeunes et modestes Algériens s’engageant dans l’armée française sous le commandement du lieutenant Pascal – qui se battra pour ramener ses hommes en France à l’issue du conflit.
Avec La montagne, le réalisateur de Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador, suivra l’histoire d’un quadragénaire parisien en déplacement professionnel à Chamonix. Fasciné par la beauté des sommets alpins, il quitte sa vie urbaine et s’installe un bivouac en haute montagne, déterminé à ne plus en redescendre. Devenu un « habitant » de la montagne, il assiste à l’effondrement d’une immense paroi rocheuse, et découvre parmi les décombres d’étranges créatures lumineuses.
Après le verbeux et très séduisant Alice et le maire, Nicolas Pariser aura les honneurs de la clôture avec Le parfum vert, une comédie d’espionnage portée par Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain. L’inimitable acteur fraîchement césarisé pour Illusions perdues, campera un comédien de la Comédie française témoin de l’assassinat d’un de ses partenaires sur scène, bientôt soupçonné par la police et poursuivi à travers l’Europe par la mystérieuse organisation ayant commandité le meurtre. Heureusement, il pourra compter sur l’aide d’une dessinatrice de bandes dessinées, Claire, pour tenter d’élucider le mystère autour de cette mort violente.
Men en séance spéciale
L’un des événements majeurs de cette passionnante sélection devrait assurément être la présentation en séance spéciale du nouveau film d’Alex Garland, Men (Eux), après Ex-machina et Annihilation. Le drame horrifique produit par A24, attendu outre-Atlantique en mai, devrait attirer de nombreux cinéphiles avant d’être distribué dans l’hexagone le 8 juin prochain (par Metropolitan films), lui évitant un sort similaire à The green knight.
Pour compléter cette très alléchante sélection, on gardera un oeil sur plusieurs premiers films : 1976, de Manuela Martelli, The Dam (Le Barrage) d’Ali Cherri, Ashkal de Youssef Chebbi, El agua (L’eau) d’Elena López Riera, Funny Pages d’Owen Kline, Pamfir de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk et Un varón (A Male) de Fabian Hernández.
Sur le papier, on est très curieux de découvrir La dérive des continents (au Sud) du suisse Lionel Baier qui cherche à questionner avec un brin d’irrévérence l’Europe d’aujourd’hui, pour paraphraser les sélectionneurs. Fort de son casting international (Isabelle Carré, Théodore Pellerin, Ursina Lardi, Ivan Georgiev, Tom Villa, Daphné Scoccia, Adama Diop et Elisabeth Owona), le film suivra le personnage de Nathalie Adler en mission pour l’Union Européenne sur l’île sicilienne. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite de Macron et Merkel dans un camp de migrants.
Enfin, Erige Sehiri présentera Taht Alshajra (Sous les figues), João Pedro Rodrigues dévoilera son Fogo-Fátuo (Feu follet), tandis que Mark Jenkin proposera EnysMen.