film du mois_Jan24

BILAN | Les meilleurs films de janvier 2024

CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE JANVIER 2024.

Le choix de Thomas Périllon

PRISCILLA de Sofia Coppola

Vingt ans après Lost in translation, Sofia Coppola signe (enfin !) un nouveau long-métrage pleinement abouti avec Priscilla, biopic consacré à la première épouse du « Roi de la pop », Elvis Presley. Suivant une décennie de relation par la perspective de la jeune femme, de sa rencontre avec ce dernier à sa séparation en 1972, le film montre l’envers du décor et dépeint l’emprise d’un homme, adulé dans le monde entier, sur celle qui n’était qu’une enfant lors de leurs premiers rapprochements. Récit d’émancipation d’une femme que Presley ne semblait considérer que comme un énième trophée à collecter et à façonner à sa guise, le long-métrage a tout du un film-somme pour la cinéaste qui sait si bien raconter l’isolement, la mélancolie et le besoin de s’échapper. Porté par la remarquable prestation de Cailee Spaeny, honorée d’un Prix d’interprétation amplement mérité lors de la dernière Mostra, Priscilla dresse un portrait sensible et stylisé. Certainement son meilleur film depuis (très) longtemps.

Le choix de Florent Boutet

poor things

PAUVRES CRÉATURES de Yorgos Lanthimos

Dans cette nouvelle collaboration avec Emma Stone, Yorgos Lanthimos continue à charrier dans son sillon un univers merveilleux loufoque vécu comme une gigantesque hallucination. Si le parallèle avec le Frankenstein de Mary Shelley est presque trop évident, c’est surtout le plaisir pris à la découverte du monde par cette femme qui envahit jusqu’au trop plein. On se gorge de cette vision du réalisateur du Lobster dans un vertige qui épouse ce magnifique personnage féminin, qui même dans son outrance fait un commentaire beau et pertinent sur le monde, avec des lueurs féministes et sociales proprement sublime. On ne sort pas indemne d’un tel film.

Le choix d’Antoine Rousseau

PAUVRES CRÉATURES de Yorgos Lanthimos

Comment ne pas s’enthousiasmer devant la dernière folie de Yorgos Lanthimos ? Avec Pauvres Créatures, le réalisateur de The Lobster propose sa propre relecture de Candide : une fable baroque aux accents féministes qui puise autant chez Voltaire que dans le Frankenstein de Mary Shelley. Et comme si ce mélange n’était pas assez explosif, le film se pare d’une direction artistique pop et délirante, sous haute influence Terry Gilliam. Le résultat frôle parfois l’indigestion, mais le film déborde tellement de générosité dans sa mise en scène que le plaisir l’emporte à chaque instant. D’autant que les comédiens se mettent au diapason de l’entreprise à commencer par Emma Stone, dans une composition étonnante et audacieuse qui pourrait bien lui valoir le deuxième oscar de sa carrière.

Le choix de Marie Serale

les chambres rouges

LES CHAMBRES ROUGES de Pascal Plante

De l’anti conte de fée Priscilla à l’horreur qui imprègne l’abjecte trivialité dans La Zone d’intérêt, c’est un mois de janvier particulièrement glacial qui entame cette année de cinéma. Et si l’effroi inonde aisément les salles obscures, il réside aussi et surtout dans ce que l’on ne voit pas. Les Chambres rouges, troisième long-métrage du québécois Pascal Plante, explore avec intelligence ce que la passion pour les divers contenus (podcasts, documentaires, biopics et bien plus encore) sur les serial killers et une certaine fascination pour l’horreur dit de notre monde. Un film qui impressionne par sa maîtrise de la tension et la complexité de son anti-héroïne, magnifiée par une atmosphère profondément noire.

Le choix de François-Xavier Thuaud

MAY DECEMBER de Todd Haynes

Todd Haynes semble avoir pris un plaisir fou à gratter le vernis des apparences pour réveiller les blessures d’un crime enfoui sous les pâtisseries et le soleil de Savannah. Il y a du Harold Pinter chez Samy Burch, qui signe ici son premier scénario. Secrets, désirs, dégoût de sa propre image, maison/prison, tous ces thèmes rapprochent May December du cinéma que Joseph Losey bien au-delà de la musique du Messager, composée par Michel Legrand et ici revisitée par Marcelo Zarvos. On pense au chaos feutré d’Accident, au jeu de domination de The Servant et au trouble du double de Monsieur Klein. Losey est aussi le cinéaste du miroir par excellence, reflet et révélateur d’une cruelle vérité. May December se situe à ces hauteurs-là, à la fois bagatelle et vertige. Un classique instantané.

Le choix de Matthieu Touvet

les chambres rouges

LES CHAMBRES ROUGES de Pascal Plante

Dans ce thriller glaçant astucieux, l’intrigue reste volontairement opaque pendant la première partie, le temps d’installer une ambiance froide et clinique autour de Kelly Anne, une jeune femme mystérieuse et de plus en plus fascinante dont les contours se précisent lentement. La réussite de Les chambres rouges vient du fait que tout concorde à nous faire douter des réelles intentions de ce personnage. C’est en révélant tout son jeu après avoir ménagé ses effets jusqu’au dernier moment que le scénario gagne en force, après nous avoir nous tenu impliqués, voire en haleine de bout en bout. C’est un grand thriller qui comblera les amateurs du genre.

Le choix de Victor Van de Kadsye

LA ZONE D’INTÉRÊT de Jonathan Glazer

Dix ans après Under The Skin, le cinéaste britannique Jonathan Glazer réalise un nouveau film déstabilisant. Tiré d’un roman de Martin Amis, La Zone D’intérêt nous plonge en plein coeur de la banalité du Mal, en suivant une famille de nazis vivant de façon idyllique à deux pas du camp d’Auschwitz. Nos yeux sont alors forcés à suivre un drame conjugal chez les bourreaux, mais le travail important du hors-champ incite notre ouïe à se focaliser et à être confronté par le son face à l’horreur qui se situe derrière les murs de ce quasi huis-clos. Une atmosphère étrange, cauchemardesque, également aidée par la musique renversante de Mica Levi.

Le choix d’Emilien Peillon

PAUVRES CRÉATURES de Yorgos Lanthimos

Le vent de comédie expérimenté par Lanthimos dans La Favorite continue de souffler. Son cinéma sous cloche, sans soupape, est passé à un cinéma d’aquarium, où on observe des créatures curieuses, qui vivent et respirent, à travers un spectre déformant. La satyre des mœurs, incarnée dans un XIXe siècle joyeusement malade et fantasmé, est drôle et noire, mais surtout menée par des interprètes toujours au carrefour du grinçant, du pathétique et de l’émerveillement : Ruffalo en dandy insupportable répond parfaitement à une Emma Stone qui se met beaucoup en danger dans son rôle aussi désarticulé et dissonant que la bande-son de Jerskin Fendrix. Mais le plus frappant dans ce récit de vie dense et absurde est ce sentiment en sortant de la salle que nous spectateurs, comme Bella Baxter, sommes prêts, et capables, de conquérir le monde.




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