PAUVRES CRÉATURES
Bella est une jeune femme ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter. Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Avide de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s’enfuit avec Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son époque, Bella est résolue à ne rien céder sur les principes d’égalité et de libération.
CRITIQUE DU FILM
Avec Pauvres créatures, Yorgos Lanthimos (La favorite) signe une œuvre d’une audace visuelle et narrative rare, véritable laboratoire cinématographique où se conjuguent extravagance baroque et intelligence de mise en scène. Libre adaptation du roman d’Alasdair Gray, le film s’impose d’emblée comme un objet inclassable : un univers rétro-futuriste d’une créativité folle, oscillant entre steampunk et expressionnisme, où chaque décor, costume et teinte visuelle semble surgir d’un rêve fiévreux. La mise en scène, virtuose, enchaîne les audaces de cadre, de rythme et de ton, sans jamais perdre en cohérence.
Au cœur de cette odyssée démentielle : Emma Stone, absolument magistrale. Dans le rôle de Bella Baxter, créature ressuscitée dotée d’un esprit d’enfant dans un corps de femme, elle livre une performance stupéfiante, traversée de toutes les nuances — du burlesque à l’émotion brute, de l’éveil naïf à la puissance revendicatrice. Elle incarne à elle seule la folie du film, sa tendresse, sa radicalité.
Mais Pauvres créatures ne se contente pas d’un feu d’artifice esthétique. C’est aussi un grand film sur l’émancipation féminine. Le parcours de Bella, qui découvre le monde, le désir, l’autonomie, est un manifeste féministe aussi étrange que lumineux. Sa liberté sexuelle, intellectuelle, politique, dérange et fascine à la fois, dans un monde où les hommes veulent sans cesse la définir, la posséder ou la corriger. Toutefois, cette libération, aussi flamboyante soit-elle, reste filtrée par le regard masculin du cinéaste, parfois ambigu. Si Lanthimos offre à Bella une trajectoire forte, il la façonne aussi comme un objet de fascination, entre marionnette et fantasme. Une tension plane alors : celle entre la puissance du discours féministe et l’empreinte de son démiurge masculin.
Pauvres créatures n’en reste pas moins un film foisonnant, imparfait mais essentiel, où le chaos visuel épouse l’ébullition d’une pensée en mouvement — et où Emma Stone, incandescente, brille comme jamais.
Bande-annonce
17 janvier 2024 – De Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone, Mark Ruffalo et Willem Dafoe.