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PIECES OF A WOMAN

Tendrement lié par une complicité visiblement immuable, un jeune couple s’apprête à accueillir la naissance de leur premier enfant. Martha, qui a choisi d’accoucher dans leur maison de manière naturelle, est prise en charge par une sage-femme venue remplacer celle qu’ils attendaient initialement. L’accouchement prend une tournure plus compliquée que prévue, le bébé décède quelques minutes après être sorti du ventre de sa mère. Un cheminement long et douloureux commence alors pour les deux parents, pour qui tout est à reconstruire.

Critique du film

Née du duo artistique, mais également mari et femme, de Kata Wéber et Kornél Mundruczo, l’histoire de Pieces of a woman remonte à la création d’une pièce de théâtre écrite par Kata Wéber et représentée pour la première fois en 2018 en Pologne. La mise en scène est osée, éprouvante tant pour les comédiens que pour les spectateurs et est séparée en deux actes d’une heure chacun. Le premier décrit l’accouchement laborieux, soldé par la perte inconcevable du bébé, le second confronte les personnages lors d’un dîner de famille houleux, transpirant de jugements et d’à priori conservateurs, dévastateurs. La pièce fait immédiatement un carton.

MORCEAUX DE FEMME ET PIÈCE DE THÉÂTRE

Déjà collaborateurs sur les précédents films de Mundruczo (White god, La lune de Jupiter), Wéber et lui s’allient sur la mise en scène retranscrite des suites d’évènements terribles dont ils peinent à se remettre personnellement. La question, précisément, est-elle de se remettre d’un drame, ou d’une tragédie ? N’est-elle pas plutôt d’apprendre à vivre avec, au lieu d’essayer en vain de l’ignorer ? C’est le questionnement rhétorique qui germe dans l’esprit de Mundruczo qui, après avoir encouragé sa femme à mettre en lumière une série de dialogues percutants entre une mère et sa fille endeuillée, réalise l’importance de partager avec le plus grand nombre les traumatismes qu’habituellement l’on garde bien à soi. La société, confie l’actrice principale Vanessa Kirby, ne sait pas comment parler de ces choses-là.

C’est la formidable peur du « qu’en dira-t-on », celle d’affronter le regard et les jugements du monde extérieur, ici parfaitement représentée par le rôle de la mère de Martha, Ellen Burstyn (Elizabeth  Weiss), survivante de l’Holocauste et dévorée par cette volonté de survie presque bestiale, au détriment de son besoin d’expression émotionnelle. 

Pieces of a woman

L’ART COMME THÉRAPIE

« La tristesse s’envole sur les ailes du temps », écrivait La Fontaine au XVIIème siècle comme nombre de grands esprits, formule du temps guérisseur évoquée dans le film sous l’une de ses variantes, et qui semble apparaître comme une solution potentielle à la souffrance. Le temps, d’ailleurs, nous est communiqué par la ponctuation de dates évoquant le fil d’une année accompagnant le deuil au sein du couple. Il file, de manière accélérée bien qu’à l’image, chaque plan ressemble à un tableau tranquille, une plante qui s’assèche, une lumière enveloppante, un environnement sonore travaillé pour alterner entre éclats de voix, et silence et solitude, et paix intérieure. Tout ce que recherche le personnage de Martha, très justement interprété par Vanessa Kirby, ayant remporté la Coupe Volpi de Meilleure Actrice au festival de Venise, n’est autre qu’un havre de tranquillité et de paix, un cocon de reconstruction émotionnelle, en dépit d’une première phase de deuil douloureuse, marquée par la couleur rouge et un silence assourdissant.

Le choix d’avoir tourné une première séquence sous forme de plan-séquence, long de 23 minutes, au cours duquel se déroule l’accouchement, marque le restant du film aux yeux du spectateur qui dès lors fait partie de l’histoire, en est l’intime témoin, ressentant cette peur épidermique, cette terreur de ne plus jamais arriver à vivre normalement après un évènement tragique.

Cette séquence à la puissance maîtrisée paraît d’autant plus sublime dans sa justesse émotionnelle qu’elle est comme habitée par la présence d’un observant, cela étant notamment dû au procédé technique utilisé, un stabilisateur plutôt qu’une caméra à l’épaule, donnant cette impression de flottaison face à l’action. Mundruczo justifiant ce choix comme pouvant symboliser la présence sensorielle de l’enfant mort-né, si subtilement tourné toutefois qu’il n’en paraît jamais exacerbé.

Pieces of a woman reste un film d’auteur, écrit par une femme, réalisé par un homme, au message d’amour universel et qui éclaire cette question du deuil et de ce qui existe, en supplément du simple temps qui passe et atténue les souffrances, pour aider les hommes et les femmes à traiter la tristesse, au lieu de la dissimuler simplement pour paraître forts. D’où vient la force ? De celui qui contient son chagrin pour continuer à vivre ? Ou de celui qui pleure, pour vivre son chagrin.

Bande-annonce

Disponible sur Netflix


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