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NELLY ET MONSIEUR ARNAUD

La rencontre entre une jeune femme en instance de divorce et désargentée et un vieux monsieur retiré des affaires.

Point final

Dernier film réalisé par Claude Sautet, quelques années avant son décès survenu en 2000, Nelly et Monsieur Arnaud (1995) fait suite à Quelques jours avec moi (1988) et à Un cœur en hiver (1991), deux longs-métrages avec lesquels le réalisateur avait entamé une collaboration avec de nouveaux co-scénaristes : Jacques Fieschi et Jérôme Tonnerre. Ce changement de cap, après un long et fructueux partenariat avec Jean-Loup Dabadie, intervenait après l’échec commercial et critique de Garçon (1983). Echaudé par cet insuccès et les reproches que lui fit une certaine critique de se répéter, Claude Sautet ressentait la nécessité de se renouveler.

Sur cet ultime film, Claude Sautet fait appel à Jacques Fieschi et à Yves Ulmann pour écrire l’histoire d’une rencontre entre une jeune femme et un homme plus âgé que tout semble séparer : l’âge, mais aussi le milieu socio-professionnel. Cette rencontre qui donne lieu à une aide financière de la part de Monsieur Arnaud – Michel Serrault –  au bénéfice de Nelly – Emmanuelle Béart – , évolue vers une collaboration professionnelle avant de prendre une tournure plus affective, avec tout ce que cela peut entraîner de remises en question pour les deux personnages. 

Le vieil homme et sa mémoire

Certains ont évoqué à la sortie du film, une parenté thématique et spirituelle avec le théâtre d’Anton Tchékhov. Dans Nelly et Monsieur Arnaud, comme dans l’œuvre du dramaturge russe, il est question de vie gâchée, de se rendre compte qu’on est passé à côté des choses essentielles. On y évoque la dernière partie de la vie comme une période où les regrets abondent et où les petits arrangements avec ses idéaux, ses rêves laissent place à l’amertume. Le passé peut ressurgir pour hanter un vieil homme comme le personnage de Dolabella – Michael Lonsdale – qui vient voir monsieur Arnaud est-il un ami de longue date ou sa mauvaise conscience ?

De même la vanité de certaines choses point avec le récit que veut faire le vieil homme de ses mémoires. S’agit-il d’un besoin de transmission ou d’une simple boursouflure de l’égo pour une vie peut-être moins prestigieuse qu’on ne l’a cru ? Tout cela, cette mélancolie et cette vision assez désenchantée des rapports humains  – marqués par l’aspect matériel et l’indifférence, le manque d’amour – fait l’objet de descriptions effectuées par petites touches, de façon feutrée, subtile.

Le désir et les sentiments

Le personnage de monsieur Arnaud, à qui Michel Serrault offre un visage surmonté d’un postiche qui le fait ressembler à Claude Sautet, évoque la personnalité du metteur-en-scène de César et Rosalie et des Choses de la vie. Car on a ici affaire à ce qu’on peut appeler un film testament, une œuvre crépusculaire d’un artiste qui réalise peut-être que les belles choses arrivent finalement trop tard, quand on ne peut plus en jouir pleinement. Il ne reste que des plaisirs dérisoires, comme un massage prodigué à un vieil homme perclus de douleurs ou une fugitive étreinte pour se dire adieu. De même l’âge ne rend pas plus sage et serein pour autant, on peut encore être jaloux et de mauvaise foi : lorsque monsieur Arnaud reproche à Nelly de moins s’investir dans ce projet d’écriture, c’est surtout parce qu’elle se confie moins à lui et que la curiosité intrusive de l’ancien magistrat reste insatisfaite. 

Nelly et Monsieur Arnaud

« Tu souffres ? Au moins, il t’arrive quelque chose » Souffle une amie de monsieur Arnaud, interprétée par Claire Nadeau

« Il y a des débuts tardifs », répond le vieil homme.

Car le désir et les sentiments peuvent encore faire souffrir. Et on peut encore s’éveiller même tardivement – le manuscrit devient plus grave, plus profond au fur et à mesure de l’évolution des rapports entre les deux personnages – même si cela entraîne une prise de conscience d’autant plus cruelle.

Couronné du prix Louis-Delluc 1995, du Prix Méliès, ce film intimiste et cruel à la fois valut à Michel Serrault le César du meilleur acteur et  à Claude Sautet celui du meilleur réalisateur. Avec Nelly et monsieur Arnaud  et sa très belle distribution – qui compte aussi Charles Berling et Jean-Hugues Anglade – Claude Sautet mettait un point final à une carrière exemplaire et démontrait une fois de plus son talent tout en finesse pour dépeindre les tourments intérieurs de l’âme humaine et l’évolution de la société française des années 1960 aux années 1990. 


Disponible sur Netflix et en VOD sur UniversCiné


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