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LOST COUNTRY

Belgrade en 1996, pendant les manifestations étudiantes contre le régime de Slobodan Milosevic. Stefan, 14 ans, mène seul dans le feu des événements la plus dure des révolutions : accepter l’inacceptable, voir dans sa mère une complice de cette politique et trouver la force de se confronter à elle.

Critique du film

Serbie, 1996. Stefan discute des heures de gloire de son grand-père, ancien champion olympique de waterpolo avec l’équipe de Yougoslavie. Perché en haut d’un arbre et ramassant les noix, le jeune homme semble déjà en proie à une certaine nostalgie d’un temps révolu. À cette époque, le fondateur du Parti communiste serbe Slobodan Milosevic n’a pas encore eu son jugement. Au lendemain d’élections assurant la victoire à la majorité Ensemble, pro-occidentale et progressiste, l’ancien président et son parti assurent que les résultats ont été truqués et les falsifient pour obtenir un troisième tour. La colère du peuple monte, et la mère de Stefan, porte-parole de Milosevic, devient l’une des têtes d’un parti autoritaire. L’adolescent se retrouve dans une situation indélicate : choisir entre ses amis de plus en plus engagés et sa mère, figure politique d’un mouvement de plus en plus violent.

Une telle mise en contexte laissait présager un traitement original et puissant de cette période charnière. Un coming-of-age en plein cœur d’un pays qui n’a d’autre choix que d’avancer. Mais lorsque le générique de fin commence, une première réflexion : c’est tout ? En un peu plus d’1 h 30, Vladimir Perisic peine à cristalliser la pensée de son protagoniste. Ses décisions sont peu plausibles, son manque d’engagement aussi. Stefan met trop longtemps à choisir un camp pour que l’histoire soit prenante. Malgré la difficulté de sa situation, il ne se comporte pas comme un adolescent qui se découvrirait une conscience politique. Son refus de prendre position frustre et étire inutilement le long-métrage de Vladimir Perisic qui avait pourtant beaucoup à dire.

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Mère patrie

Heureusement, dans ce portrait parfois maladroit d’un adolescent déchiré et d’une Serbie à l’aube du changement, le personnage maternel est particulièrement réussi. La complexité de Maklena (prénom en double référence à Marx et Lénine) est bien mieux dosée que celle de son fils. La porte-parole de Milosevic symbolise cette peur du changement du côté du Parti communiste, refusant tout rapprochement avec l’occident. Pourtant, dans son appartement au design plus soigné qu’un salon IKEA, Maklena écoute Madonna, s’habille comme n’importe quelle bourgeoise des pays de l’ouest européen et embrasse complètement, sans réellement l’admettre, leur mode de vie. L’appartement plus froid et poisseux des amis de Stefan permet à Vladimir Perisic de pointer du doigt la richesse de l’élite serbe sans l’expliciter trop facilement.

Malgré son rythme étiré et son personnage principal souvent frustrant, Lost Country – co-écrit par la Française Alice Winocour renferme quelques éclats remarquables parmi lesquels le développement de la relation de l’adolescent avec sa mère. L’ambiguïté de leur lien, qui s’effrite au fil des événements du quotidien (rendez-vous chez l’opticien, achats dans un marché particulièrement bondé, avertissement du collège de Stefan…) confère au récit une crédibilité bien plus grande que les humeurs changeantes du jeune homme. En multipliant les plans fixes dans l’appartement des deux protagonistes, Vladimir Perisic filme magnifiquement l’intimité et les non-dits. Il parvient à créer une tension croissante, mais le lien met trop de temps à se rompre. Lorsque l’inévitable arrive enfin, le long-métrage œdipien est déjà fini. Cet adolescent avait tout pour se révolter, Lost Country rassemblait presque tous les ingrédients nécessaires pour être très réussi, mais effleure trop superficiellement son sujet pour être mémorable.

Bande-annonce


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