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LE VERDICT

Avocat déchu et alcoolique, Frank Galvin racole ses clients dans les salons funéraires jusqu’au jour où il accepte de travailler sur l’affaire d’une jeune femme victime d’une erreur médicale et plongée dans le coma. Ce dossier qui risque de provoquer un scandale et de nuire à la réputation de l’hôpital, va être pour l’avocat l’occasion de retrouver sa dignité… ou de la perdre définitivement.

Critique du film

Adaptation d’un roman de Barry Reed, Le Verdict de Sidney Lumet a été scénarisé par le talentueux et alors débutant David Mamet, un an après Le Facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson et quelques années avant Les Incorruptibles de Brian De Palma. Mais il s’agit déjà d’un coup de maître pour un film passionnant qui avant de trouver ses acteurs et réalisateur définitifs allait susciter pas mal de changements de casting prévisionnel. D’autres acteurs avaient été envisagés avant Paul Newman pour le rôle principal. Mais certains avaient renoncé, parfois en raison de l’alcoolisme du personnage et de sa déchéance, pas forcément très glamour. 

Sidney Lumet, grand réalisateur éclectique et parfois inégal, souvent sous-estimé peut-être pour cette raison pouvait néanmoins déjà justifier d’une filmographie impressionnante avant d’aborder ce long-métrage qui le renvoyait à son premier – Douze hommes en colère qui se passait déjà dans un tribunal et ses coulisses. Quand il réalise Le Verdict, Lumet vient de tourner Piège mortel, adaptation d’une pièce d’Ira Levin – l’auteur de Rosemary’s baby – film distrayant mais assez mineur et qui lorgne parfois maladroitement vers Le Limier Sleuth – de Joseph L. Mankiewicz. Avec ce long-métrage qui rassemble autour de Paul Newman, James Mason, Charlotte Rampling mais aussi Jack Warden, éminent second rôle, Lumet allait retrouver le niveau artistique de certains de ses films précédents comme Un Après-midi de chien, Network ou Le Prince de New York.  

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Ce film de procès met l’accent sur les coulisses et ce que cela comporte de manœuvres, de coups bas et de stratégie. On est presque dans un jeu d’échec, froid, sournois et cruel. Il y règne une ambiance crépusculaire. Le film se déroule en hiver et beaucoup de scènes se déroulent dans des lieux aux belles boiseries ou aux élégants meubles en cuir : bibliothèques, pubs enfumés… Tous ces décors où les personnages semblent souvent isolés ou minuscules, en particulier l’avocat Frank Galvin, n’ont rien de chaleureux malgré leur élégance et leur opulence. Une grande froideur nimbe cette histoire. Comme ce qu’on peut ressentir quand on est en train de tout remettre en cause et qu’on a perdu ses dernières illusions. On assiste à des moments de violence feutrée, peut-être la pire car elle prend l’apparence de la civilisation, de la courtoisie, mais se montre condescendante, impitoyable et sans aucun remords ou scrupule. La justice ne semble exister que parce que des individus isolés, convaincus et déterminés acceptent de se consacrer à des combats qui sont à priori perdus d’avance. Au risque d’être soi-même détruit. 

Paul Newman livre une des interprétations les plus poignantes de sa carrière, dans le rôle d’un homme qui semble à terre définitivement, dont on ne sait pas s’il arrivera à se relever. James Mason, immense acteur, s’y montre glacial et calculateur, aussi effrayant qu’un reptile qui attend son heure, et n’hésite pas à manipuler et à humilier plus petit que lui. Quant à Charlotte Rampling, son personnage ne dévoilera peut-être finalement pas tous ses secrets. 

Grand film sur la justice, mais aussi et surtout sur la rédemption et la lutte pour retrouver sa dignité, Le Verdict figure parmi les très grandes réussites artistiques de Sidney Lumet. On peut sans hésiter dire qu’on a ici affaire à du très grand cinéma, humaniste, profond et conçu avec un grand talent (écriture, mise en scène, direction d‘acteurs, photographie) et adulte : un cinéma qui ne sombre jamais dans l’angélisme, le manichéisme ou la facilité. 


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