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LE VILLAGE DES GÉANTS

1965. Durant un été californien, un bande d’adolescents débarque dans une paisible communauté et sème la pagaille après avoir ingéré une substance qui les a transformés en géants.

Critique du film

À la suite d’un accident, une belle voiture américaine est immobilisée dans le désert. Ses occupants s’en extraient gaiement un à un, tellement nombreux pour cette capacité qu’on a l’impression qu’ils sortent du chapeau de Mary Poppins. Nullement gênés par le choc, cette bande d’adolescents surexcités entre alors dans une sorte de transe et, sous une pluie battante, se met à danser frénétiquement en tenue de plage sur des tubes surf-rock. Voilà qui annonce d’emblée la couleur. Cette scène d’exposition teintée d’un vague sentiment d’étrangeté nous indique qu’on n’a pas affaire à un teen movie traditionnel.

La suite de ce film est en effet gentiment farfelue, entre ados stéréotypés et expérimentations scientifiques. C’est d’ailleurs de manière inattendue et cocasse que l’on découvre le petit savant à l’origine du désastre. Il s’agit d’un tout jeune Ron Howard qui, alors âgé d’une dizaine d’années seulement, avait déjà une longue carrière de comédien derrière lui. Il faut dire qu’il joue ce rôle de gamin impertinent et passionné de chimie avec un naturel confondant. C’est donc au cours d’une de ses expériences hasardeuses, réalisées dans un labo de fortune, qu’il crée sans le vouloir la fameuse substance qui transforment ceux qui l’avalent.

On éprouve un bonheur régressif à observer tout ce qui fait le sel de ces productions propres aux années 1960 américaines. Bien qu’il n’y ait pas de plage à proprement parler, Le Village des géants a pourtant tout du « beach movie », ce genre mythique bien révélateur de son époque et sur lequel le temps ne semble avoir aucune prise. On retrouve alors les musiques emblématiques, ces groupes d’ados composés d’éphèbes et de nymphettes, leur joie de vivre superficielle et leur monde sans parents. Bien qu’elle n’ait pas survécu au changement de décennie, cette culture et cette imagerie restent encore aujourd’hui ancrées dans l’imaginaire collectif comme celle d’un cinéma léger et insouciant. D’ailleurs, comme pour casser un peu cette image, Bert I. Gordon s’empare de ce genre pour l’emmener sur son terrain de prédilection, les géants. Car c’est cette fascination pour la démesure humaine ou animale qui fait la renommée de ce pionnier de la série B de science-fiction.


Moins porté sur l’histoire que sur l’exploitation, Gordon ne s’embarrasse pas avec des dialogues mordants, une intrigue à tiroirs ou encore une mise en scène léchée. En revanche, grâce à d’habiles astuces de caméra, tels que le travelling compensé (aussi connu sous le nom de « Vertigo effect ») ou la technique du cache/contre-cache, qui permet de créer un plan composite à partir de plusieurs prises de vues séparées, il parvient à créer une illusion très efficace de gigantisme. Et même si le rendu peut faire sourire aujourd’hui, on ne doute pas un instant de la forte impression qu’ont pu avoir ces effets spéciaux à l’époque. Cette touche surannée participe d’ailleurs à l’affection ressentie pour le film. Il faut bien avoir en tête que Le Village des géants n’est en aucun cas un film cérébral, pour autant, c’est à lui tout seul l’héritage d’un cinéma qui n’existe plus. De celui qu’on n’intellectualisait pas, qu’on bricolait avec passion et qu’on finançait avec peu de moyens.

Quelle belle idée que cet hommage de l’Étrange Festival à ce réalisateur trop méconnu chez nous. Il aura été l’occasion de découvrir une partie de son œuvre faite de films aux thèmes diamétralement opposés. En effet, Mister BIG n’était pas seulement tourné vers les géants, comme en témoignent, entre autres, Picture Mommy Dead, un mélo psychologique mal façonné et Le Détraqué, un thriller sec et violent dont la noirceur annonçait son passage à la modernité. De quoi nous donner envie de piocher davantage dans son œuvre foisonnante.


De Bert I. Gordon, avec Tommy Kirk, Kevin O’Neal et Toni Basil.


l’Étrange festival 2023




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