mad bomber

LE DÉTRAQUÉ

Un inspecteur doit faire face à un poseur de bombes s’étant donné pour mission de s’attaquer aux vices et à la débauche d’un New York en perdition…

Critique du film

Cette année, l’Étrange Festival rend hommage à Bert I. Gordon, pionnier du cinéma américain de science-fiction et prolifique réalisateur qui nous a quitté cette année à l’âge honorable de 101 ans. Rien de plus logique pour « Mister BIG », surnommé ainsi non seulement pour ses initiales, mais pour son attrait pour les géants en tous genres, comme en atteste sa filmographie. Parmi les six films présentés figure Le Détraqué, thriller réalisé en 1973, dans lequel un poseur de bombes et un violeur en série terrorisent individuellement la ville de Los Angeles. Le détective Geronimo Minelli se lance alors dans une double traque contre l’avis de sa direction.

Los Angeles est sûrement la ville la plus filmée du cinéma, ou en tous cas, la plus fantasmée. On l’a vu tour à tour dangereuse mais sexy dans les films noirs, exotique dans les années 50, idyllique dans la décennie suivante, mais ici, la cité des anges a rarement paru aussi si triste. Ici, pas de trace d’insouciance ni de rêve américain. Le but de Gordon n’est manifestement pas de prolonger cette mythologie parfois factice mais plutôt d’insister sur cette impression globale de malheur qui émane aussi bien des images que de ses personnages. À commencer par le poseur de bombes lui-même, sur lequel on ne fait aucun mystère, son apparence étant révélée dès le début du film. Sa carrure et son regard lui confèrent tout l’aspect glaçant d’un tel rôle. Chuck Connors, homme immense (décidément) aux yeux perçants et au menton carré, avait le faciès parfait pour jouer le rôle d’un antagoniste de James Bond.

On le retrouve dans un emploi pas si éloigné, sans architecture moderne mais animé d’une haine farouche. En effet, William Dorn semble détester la terre entière et, entre deux dépôts de bombes, se lamente de la disparition du respect et de la courtoisie dans l’espace public. Face à son attitude calme et méthodique, le détective Minelli n’est pas plus joyeux. Le nombre de victimes s’accumule et sa conscience professionnelle lui assène son échec de manière répétée.


Filmé avec l’influence du cinéma d’exploitation, il règne dans Le Détraqué un environnement malsain, un peu pervers, et au milieu de ce tableau aux images peu contrastées, seule la musique et une mise en scène bien rythmée égayent un peu la morosité ambiante. Une bande-son saccadée et rocailleuse tapisse des scènes de viol d’une atmosphère inquiétante, tandis qu’une chanson revient régulièrement dans des scènes plus sereines, apportant alors une touche de Californie. Il s’agit de Reaching Out, chantée par Nancy Honnold dont la voix aux airs de standard « oldies » rappelle les tubes de Joni Mitchell. À l’instar de The Long Goodbye, titre phare et récurrent du Privé de Robert Altman, le morceau semble d’ailleurs avoir été créé spécialement pour le film.


La réalisation est solide et généreuse, avec de beaux panoramas et des utilisations astucieuses de la caméra, comme ce plan final en contre-plongée d’un policier serré entre deux buildings, comme s’il était écrasé par le poids de cette ville. Le Détraqué est donc un film plaisant sans avoir l’étoffe d’un classique. Il manque pour des scènes plus engageantes, des moments de pure tension et peut-être même une star, ou du moins un acteur à l’aura suffisamment charismatique pour en devenir une après cela.

Finalement, Il flotte dans ce film aux qualités réelles la sensation que, loin de son terrain de prédilection qu’est le fantastique, Gordon lorgne du côté de son compatriote et contemporain Richard Fleischer sans pour autant atteindre son niveau de maîtrise. En nous épargnant des comparaisons qui seraient forcément stériles, on note tout de même que cinq ans auparavant, ce dernier a révolutionné le genre avec L’Étrangleur de Boston et que l’année précédant la production du Détraqué est sorti Les Flics ne dorment pas la nuit. Deux films tendus dans lesquels un tueur sème la panique en ville et où des policiers sont confrontés aux tourments d’enquêtes qui patinent.


De Bert I. Gordon, avec Vince Edwards, Chuck Connors et Neville Brand.


l’Étrange festival 2023




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