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RUNNER

Haas, 18 ans, vit seule avec son père dans un vil­lage iso­lé du Mid­west. Lorsque ce der­nier meurt acci­den­tel­le­ment, elle tient à exau­cer sa der­nière volon­té et part l’enterrer dans la ville où il est né, au bord du fleuve Mis­sis­si­pi. Dans cette com­mu­nau­té sou­mise aux vicis­si­tudes du cli­mat et de l’économie, Haas ren­contre Will, un jeune gar­çon soli­taire qui tra­vaille dur afin de sub­ve­nir aux besoins de sa famille. Ils vont alors for­ger une ami­tié qui va remettre en cause leur com­pré­hen­sion de l’amour et du deuil.

Critique du film

Présenté en compétition au festival du cinéma américain de Deauville cette année, Runner est le premier long-métrage de la réalisatrice Marian Mathias, diplômée de la Tisch School of the Arts de l’Université de New York. Après un court métrage de fin d’études, Give Up the Ghost, sélec­tion­né au Fes­ti­val de Cannes en 2017, elle nous embarque pour le Midwest étasunien à la rencontre de Haas.

Cette jeune fille tout juste majeure vit dans une maison isolée avec son père taciturne – que l’on pourrait aisément qualifier de toxique – et tandis qu’il joue les piliers de comptoir, elle s’active aux tâches ménagères et au ramassage du bois. Vingt-trois minutes après le début du film (qui n’en dure que soixante-seize), son père décède accidentellement. Après en avoir eu la charge vivant, elle se retrouve maintenant à devoir gérer ses funérailles, mais aussi la montagne de dettes qu’il laisse derrière lui. Car, comme le lui annonce un homme d’affaires, il s’avère qu’il était en fait un escroc.

Ce n’est pas peu dire que le visionnage de ce long-métrage neurasthénique est une épreuve. Avec ses plans larges fixes et ses séquences étirées à l’envi, Runner tient perpétuellement le spectateur à distance de ses personnages. Les filmant majoritairement de dos, de profil ou de loin, Marian Mathias façonne une barrière esthétique et scénaristique qui rend son film hermétique, anesthésiant toute forme d’empathie avec des protagonistes qui ont tou.te.s l’air de porter toute la misère du monde sur leurs épaules. On frise même le maniérisme (ou le dolorisme, c’est selon) quand on réalise que chaque comédien semble avoir reçu pour consigne d’adopter un ton monocorde passablement éreintant.

Car tout est déprimant dans Runner, de sa photographie grisâtre à la garde-robe austère des personnages, en passant par la chevelure grasse des interprètes. Alors que la vie s’éteint à l’écran, le spectateur subit cette misérable mésaventure d’une heure et seize minutes avec le sentiment qu’il n’y survivra pas non plus. Lorsqu’Haas prend enfin le train pour accompagner la dépouille de son père, le spectateur est lui déjà resté à quai. Et comme il ne se passe littéralement rien, il ne lui reste qu’à s’interroger, tant sur la signification du titre, ironiquement impertinent (Runner, pour un film aussi statique), que sur les choix de mise en scène d’une réalisatrice qui n’a visiblement pas grand chose à raconter.


Deauville 2023 – Compétition




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