WAYWARD
Une jeune fille de onze ans, en conflit permanent avec sa mère et à la recherche d’une vie stable, est en route avec cette dernière depuis l’Idaho pour rejoindre Los Angeles où elles vont s’installer. En chemin, elles prennent en stop une jeune femme charismatique. La jeune fille s’attache rapidement à l’inconnue et développe une relation particulière avec elle, brouillant les frontières entre fugue et enlèvement.
Critique du film
Une mère et sa fille se disputent. La première scène donne le ton. L’ambiance n’est pas au beau fixe entre Arlene et sa pré-ado, Cleo. Cette dernière se mure même dans le silence et refuse de lui parler, s’isolant dans la bulle musicale que lui offre son casque audio. Ensemble, elles font route vers l’Idaho, où elles vont s’installer chez le nouveau fiancé, un joaillier qui gagne très bien sa vie. Ce déracinement contraint serait-il la raison de la rancoeur de Cleo envers sa mère ?
Remarquant une jeune femme rayonnante faisant du stop, guitare à la main, Arlene l’invite à se joindre à elles. Orbison, l’auto-stoppeuse, lui propose de participer aux frais de carburant mais la mère refuse, préférant lui demander d’essayer de dérider sa fille. Quelques discussions sur Beyoncé permettent aux langues se délier. Cleo parait intriguée par cette femme charismatique. À moins qu’elle ne le fasse pour agacer sa mère, comme lorsqu’elle accepte la cigarette que sa complice lui propose. Le spectateur n’apprend le motif de leur déménagement qu’à cet instant du récit et l’on se demande si Orbison va tenter de les réconcilier ou, au contraire, tirer profit de la fascination que la petite lui porte. Jouant les grandes soeurs « cool », elle prend petit à petit l’ascendant sur l’adolescente. Le malaise commence à s’instiller et l’on se demande si la radieuse auto-stoppeuse est bien celle qu’elle prétend être – quelques indices éveillant nos soupçons. Est-elle véritablement cette jeune femme avenante et bienveillante qu’elle parait ?
Impossible réconciliation ?
Pour son premier film, Wayward, présenté en compétition au festival de Deauville, Jacquelyn Frohlich ne lâche pas ses personnages. Caméra à la main, elle scrute les failles de cette gamine déracinée et ballottée de ville en ville depuis son plus jeune âge, devant sans cesse s’adapter à la vie amoureuse de sa mère. On la voit ainsi se prendre d’affection pour ce substitut maternel que représente Orbison, alors que sa véritable génitrice préfère se pomponner pour appeler son fiancé en FaceTime. Puis, lorsque celle qu’elle admire fait tomber le masque, Frohlich ne choisit pas le chemin de la facilité manichéenne, préférant explorer la grande complexité des émotions et des liens d’attachement.
Le pari de la réalisatrice est de nous faire penser un temps que Wayward va virer au thriller, en racontant une séquestration ou une prise d’otage avec demande de rançon. Pourtant, c’est bien le récit d’une solitude et d’une enfant en mal de mère qu’elle développe, recomposant presque une nouvelle cellule familiale dans la seconde partie du long-métrage. Bien qu’un peu trop scolaire et parfois empesé par quelques séquences moins réussies, le film profite de la belle alchimie entre les deux plus jeunes actrices (Chloe Guidry et Jessica Sula) jusqu’à son épilogue touchant.