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LE RÉPONDEUR

Baptiste, imitateur de talent, ne parvient pas à vivre de son art. Un jour, il est approché par Pierre Chozène, romancier célèbre mais discret, constamment dérangé par les appels incessants de son éditeur, sa fille, son ex-femme… Pierre, qui a besoin de calme pour écrire son texte le plus ambitieux, propose alors à Baptiste de devenir son « répondeur » en se faisant passer pour lui au téléphone… Peu à peu, celui-ci ne se contente pas d’imiter l’écrivain : il développe son personnage !

Critique du film

En quelques rôles secondaires, Salif Cissé a imposé ses rondeurs et sa douceur dans un cinéma français qui n’a pas fini de décliner son irrésistible persona de nounours lover. L’histoire retiendra que c’est devant la caméra de Fabienne Godet que l’acteur aura endossé son premier premier rôle. Il est Baptiste, démarcheur téléphonique pour une société d’assurances le jour et imitateur sur la scène d’un café-théâtre le soir. Une vie double que l’écrivain à succès Pierre Chozène va bientôt transformer en double vie. La rencontre entre Baptiste et Pierre, c’est la galère qui croise la route du gratin. Récent Prix Goncourt, le romancier a réussi à conjuguer succès publics et reconnaissance du milieu. Figure culturelle de premier plan, Chozène cultive une certaine distance vis à vis de la république des lettres. Afin d’être tout à fait tranquille, y compris dans la sphère privée, il décide de confier sa voix et son téléphone portable aux bons soins de Baptiste. Ce dernier, méfiant, finit par accepter, par défi mais aussi convaincu par des arguments plus matériels. Il ne tarde pas à troquer les franchises contractuelles contre quelques mensonges improvisés.

Sur une trame de pur boulevard, Fabienne Godet a imaginé une comédie de situations tout à fait consciente de son extravagance qu’elle s’emploie à banaliser avec finesse. Le récit repousse l’émergence du quiproquo au profit d’une observation des rôles où le portrait sensible se double d’une étude sociale. Baptiste mesure rapidement l’écart entre pouvoir et responsabilités. D’abord timide, il s’appuie sur un répertoire de fiches pour ne pas commettre d’impairs. Puis, mis en confiance par la parfaite transparence de la supercherie, il se prend au jeu et se met à interférer dans les relations intrafamiliales de l’écrivain. Sans chercher à trahir les volontés de ce dernier, il œuvre au contraire à faire bouger des lignes figées depuis trop longtemps. C’est autour de cette question des relations phagocytées par l’habitude que le film déploie en filigrane un discours à la fois perçant et bienveillant. Subtil est aussi le transfert inconscient à l’oeuvre chez Elsa, la fille de Pierre, quand elle fait asseoir Baptiste, le faux père, dans le fauteuil du modèle. D’autres thèmes sont simplement esquissés à l’image de la collapsologie ou peinent à dépasser le cliché comme celui de l’artiste enfermé dans une image médiatique.

le répondeur

Pour revenir à Salif Cissé, il faut ici souligner le parfait travail technique de synchronisation labiale avec les voix des vrais imitateurs, aussi bien dans les scènes parlées que chantées. Face à lui, on est heureux de retrouver Denis Podalydès dans une forme de sobriété qui lui faisait cruellement défaut ces derniers temps. Il suffit d’imaginer le même film avec, au hasard, Fabrice Luchini et Raphaël Quenard pour se féliciter d’une telle distribution. Réunir par la voix deux corps aussi différents que les leurs relève d’une belle audace, discrètement politique.

Une fois le nœud de l’intrigue bien serré, Baptiste est rattrapé par le complexe de l’imposteur, sentiment contrasté par le mot invincible qu’on peut lire sur son t-shirt. C’est exemplairement cette fertile contradiction que Salif Cissé incarne à merveille. Celui qu’on n’attendait pas, celui qu’on ne veut plus quitter.

Bande-annonce