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L’AMOUR QU’IL NOUS RESTE

La trajectoire intime d’une famille dont les parents se séparent. En l’espace d’une année, entre légèreté de l’instant et profondeur des sentiments, se tisse un portrait doux-amer de l’amour, traversé de fragments tendres, joyeux, parfois mélancoliques. Un regard sensible sur la beauté discrète du quotidien et le flot des souvenirs qui s’égrènent au rythme des saisons.

Critique du film

Remarqué lors de ses précédentes sélections au Festival de Cannes (Un Jour si blanc à la Semaine de la Critique en 2019, Godland à Un Certain Regard en 2022), le cinéaste islandais Hlynur Pálmason est revenu sur la Croisette dans la sélection Cannes Première pour présenter L’Amour qui nous reste, un retour au contemporain, après l’évocation du colonialisme danois dans son précédent long-métrage, et le récit de la mutation d’une famille en plein divorce. Il signe un joli film personnel, où une nature mouvementée sert à exprimer une multitude d’émotions.

En apparence, le quotidien d’Anna et Magnus paraît idyllique en tous points. Le repas en famille, faisant office de générique d’ouverture, est plein de vie. On se passe les plats et on discute avec des sourires francs et sincères. À première vue, rien ne semble assombrir la luminosité de cette vie présentée. Puis, peu à peu, une distance s’installe. Magnus, le mari, est montré plus éloigné du cadre familial du fait de son métier de pêcheur, tandis qu’Anna tente de mêler vie professionnelle, famille et projets artistiques. Cette lente séparation sera racontée face à une nature imprévisible, qui servira d’ancrage symbolique au récit.

L'amour qu'il nous reste

Car, préférant éviter une étude sur-dramatique d’un sujet vu et revu au cinéma, L’Amour Qu’Il Nous Reste exprime sa singularité en puisant dans une imagerie peu avare en éléments naturels. La mer devient une ligne de fuite immobile et lâche pour le père, qui préfère se plaindre du comportement de ses enfants lors d’une de ses visites plutôt que de tout faire pour renforcer ses liens avec eux, tandis que la mère s’approprie tous les paysages pour créer son art, cultiver et transmettre quelque chose à ses proches. Quitte à se montrer frustrée lorsqu’un agaçant conservateur d’art lui fait du mansplaining pendant des heures, pour au final se rétracter et ne pas la soutenir en exposant ses créations artistiques dans sa galerie. Ce qui semblait imperturbable, que ce soit la nature ou la structure familiale, est alors altérée par des conditions météorologiques de plus en plus instables comme pour symboliser les hauts-et-les-bas au sein d’un couple qui prend fin.

Mais la force du film est d’avoir réussi à faire en sorte que ces caractérisations symboliques n’enferment pas les personnages. C’est un quotidien très vivant et hétérogène qui nous est montré à l’écran, par les différents points de vue présentés (la vie des parents, celles des enfants), mais également par l’inventivité du cinéaste. Un split-screen sur des volailles vient même illustrer le temps qui passe. Une pointe de surréalisme apparaît également et plusieurs plans très courts se succèdent pour illustrer un monologue de la mère. Très vite, on peut potentiellement craindre une volonté d’épater constamment son public mais si L’Amour qu’il nous reste impressionne, c’est par le regard si délicat qu’apporte Pálmason à son récit. 

L'amour qu'il nous reste

Tourné avec des éléments de sa vie privée (ses propres enfants jouent ceux du film, le chien Panda est le sien, les créations que souhaite exposer Anna sont les siennes), le film apparaît alors plus intime et doux que l’étaient ses précédentes œuvres. Les rares moments de violence apparaissent abruptement, sans volonté de mettre mal à l’aise, mais pour servir un humour froid et absurde, comme pour souligner que la vie suit tranquillement son cours au sein d’une structure qui ne se verra pas forcément abattre par ce séisme familial.

L’Amour qui nous reste s’affirme comme une alternative bienvenue à la représentation du divorce à l’écran, un genre codifié dans le cinéma dramatique (surtout américain) où les enjeux restent le plus souvent resserrés autour de la garde des enfants et des bouleversements qu’un tel événement provoque. Si le réalisateur n’interdit pas à ses personnages d’exprimer ponctuellement une colère sourde (comme lors d’une discussion en voiture entre le père et sa fille), il réalise un film où le divorce des parents n’est présenté aucunement comme une fin en soi pour la famille.

L’amour qu’il reste, c’est celui d’un couple dont chaque membre a choisi une voie différente tout en gardant du respect pour l’un et l’autre. C’est aussi celui des petits instants partagés entre chaque membre de cette famille durant cette période, comme une promenade dans l’eau ou traîner au canapé devant la télé. C’est également celui d’une nature qui est sans cesse préservée et observée dans ses moindres détails. Mais c’est surtout un film tendre, baigné par une atmosphère mélancolique et sa musique délicate, qui peut se montrer mordant (comme dans sa conclusion) mais surtout affectueux. 


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