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LA NUIT DES MORTS VIVANTS

Chaque année, Barbara et Johnny vont fleurir la tombe de leur père. La route est longue, les environs du cimetière déserts. Peu enclin à prier, Johnny se souvient du temps où il était enfant et où il s’amusait à effrayer sa soeur en répétant d’une voix grave : « Ils arrivent pour te chercher, Barbara. »
La nuit tombe. Soudain, un homme étrange apparaît. Il s’approche de Barbara puis attaque Johnny, qui tombe et est laissé pour mort. Terrorisée, Barbara s’enfuit et se réfugie dans une maison de campagne. Elle y trouve Ben, ainsi que d’autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s’attaquent aux vivants.

Critique du film

Symbole d’une société hyper-consumériste (The Dead Don’t Die), du libéralisme (Dernier train pour Busan), souvent tourné en dérision (Shaun of The Dead), la figure du zombie envahit, littéralement, les écrans, et constitue l’une des créatures les plus emblématiques (et politiques) de la pop culture. Cinquante ans plus tard, La Nuit des Morts Vivants de George A. Romero demeure intemporel, tant dans sa critique sociale que par la terreur qu’il inspire. 

S’émancipant du folklore et du zombi créole, Romero fabrique l’imaginaire du mort-vivant, caractérisé par une masse informe en quête de chair. Vêtements déchirés, parfois nus, vieillards et enfants, les goules (le mot zombie n’est jamais prononcé) contaminent toutes les générations et classes de la société. Par son économie de moyen, La Nuit des Morts Vivants déterminera toute un pan du cinéma bis et d’horreur, reproduisant à l’infini les codes du genre. 

Pourtant, peu de films de zombies parviendront à conserver l’impact indélébile du film de Romero. Alors que le cinéma d’horreur est dominé par l’esthétique léchée de la Hammer, La Nuit des Morts Vivants impose un style réaliste, et d’une brutalité déconcertante. Le cinéma américain, marqué par le Code Hays, sort à peine de trente ans de censure. Romero filme caméra à l’épaule les tripes et la putréfaction, captant au plus près les hurlements de ses personnages, contribuant largement au sentiment de chaos qui infeste le film.

« They’re coming to get you Barbara « 

Tourné en huis-clos, La Nuit des Morts Vivants enferme des personnages que tout oppose, dans une métonymie de l’Amérique toute entière. Profondément marquées par l’assassinat de Kennedy, puis par les images de la guerre du Viêt Nam, les Etats-Unis traversent une période d’une violence politique et sociale inouïe, au bord d’une crise nucléaire. Difficile de ne pas penser à la crise des missiles de Cuba, et plus globalement à la peur d’une guerre nucléaire qui hante l’Amérique, puisque la radioactivité est à l’origine du réveil des morts dans le film. 

Ainsi, le cannibalisme reflète l’ombre d’une Amérique qui se dévore elle-même, transformant ainsi le danger extérieur (la peur de l’Union Soviétique, par exemple) en une menace intérieure. Le sol américain, fécondé par la violence, voit resurgir les morts, comme une sorte d’héritage macabre auquel les Etats-Unis ne peuvent jamais échapper. Un destin tragique qui n’épargne personne, ni les enfants, ni les amants transis.

Bien que Romero ait toujours réfuté cette intention, La Nuit des Morts Vivants brille par sa charge contre le racisme. Le choix de Duane Jones pour le personnage de Ben n’a pourtant rien d’anodin, alors que les mouvements pour les droits sociaux font rage. Intelligent, réfléchi et brave, Ben incarne le héros hollywoodien, prêt à se sacrifier pour les autres. Il doit pourtant faire face à une double violence, à la fois celle des goules à l’extérieure, mais aussi à celle du patriarche blanc Harry Cooper, dont la lâcheté et la fierté conduira la famille à sa perte. 

Mais c’est son final, d’une brutalité glaçante, qui fait de La Nuit des Morts Vivants un chef d’oeuvre incontestable. Son générique de fin, accompagné d’une musique sinistre, est d’un pessimisme effrayant. Triste écho à l’assassinat de Martin Luther King quelques mois plus tôt, le cinéma américain réalise pour la première fois que les gentils ne gagnent pas toujours. 

La Nuit des Morts Vivants est un cauchemar fiévreux qui n’a pas perdu de son aura terrifiante. Et ses messages radiophoniques n’ont jamais été aussi vrais : “restez chez vous”. 


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