THE DEAD DON’T DIE
La ficheLa critique du film
Grand retour de Jim Jarmusch derrière la caméra, après le romantisme funèbre d’Only Lovers Left Alive et la douce poésie de Paterson, The Dead Don’t Die promettait une ouverture pétillante du Festival de Cannes. Avec son casting impressionnant, réunissant en tête d’affiche Bill Murray, Adam Driver ou encore Tilda Swinton, le film annonçait un cocktail détonnant entre comédie et film de zombie.
Lorsque Jarmusch abordait le film de vampire avec Only Lovers Left Alive, il établissait une inversion de pouvoir : les vampires, civilisés et cultivés, traversaient les décennies en cherchant à rendre le monde plus acceptable, tandis que l’humanité devenue zombie détruit tout sur son passage. Si The Dead Don’t Die continue d’explorer la métaphore du mort-vivant, celle-ci devient d’une facilité vulgaire. Et le film se vautre rapidement dans la référence politique, sans jamais savoir quoi en faire.
Critique (as)sociale
La fameuse Amérique de Trump est, sans aucune subtilité, clairement visée : de la casquette rouge suprémaciste aux climatosceptiques, en passant aussi par la surconsommation, Jarmusch constate l’état de son pays, sans pour autant l’exploiter. C’est au mieux un running-gag exaspérant – les zombies répètent en boucle une de leurs obsessions -, au pire, un élément qui n’a jamais d’impact sur la construction du récit ou des personnages. Néanmoins, les multiples références à Romero et à sa Nuit des Morts Vivants laissent penser que l’aspect politique n’a rien d’accidentel. La lecture politique du film de zombie n’a rien de nouveau et Jarmusch, à travers la parodie, coche simplement les cases pour, semble-t-il, signer le film de zombie ultime.
Sur le papier, The Dead Don’t Die n’est pas sans rappeler Shaun of The Dead ou même Bienvenue à Zombieland. Mais ce qui différencie Jarmusch d’Edgar Wright tient sans doute de leur considération du cinéma de genre. Wright porte un profond amour pour ses personnages et dissémine de l’absurde dans l’horreur. Difficile d’en dire autant chez Jarmusch. The Dead Don’t Die cherche à égratigner le cinéma de genre avec une condescendance embarrassante. Les effets spéciaux volontairement (du moins, on l’espère) nanardesques appuient le ridicule de l’ensemble, sans grande subtilité.
Auto-parodie ?
Difficile alors d’y lire une quelconque bienveillance lorsque le film verse dans l’auto-référence. Si Lars Von Trier n’y était pas allé de main morte dans The House That Jack Built, on pouvait y lire le cri de détresse d’un cinéaste dépressif qui réduisait son oeuvre au néant. The Dead Don’t Die crée alors un parallèle étrange entre la filmographie du cinéaste et la parodie du cinéma de genre, sans pour autant trop savoir où Jarmusch veut en venir. Doit-on y voir la représentation du “vrai” cinéma à travers sa filmographie ? Ou simplement une facétie de sa part ? La réponse ne semble pas si évidente. Les références à ses précédents films sont fortement appuyées : de l’obsession du café d’Iggy Pop et de Coffee and Cigarettes, des champignons bouleversés d’Only Lovers Left Alive, ou encore du sabre de Ghost Dog, en plus d’avoir réuni essentiellement le casting de ses précédents films, tout porte à croire qu’elles n’ont rien d’anodines.
Ce serait être de mauvaise foi que de nier l’aspect comique du film. La scène du dîner tient en elle un véritable instant de comédie, qui repose entièrement sur l’absurdité de la répétition. Et si certains passages font sourire, le film n’en demeure pas moins inégal. Le comique de répétition laisse place à la lassitude, qui laisse place à un ennui poli. Le film accomplit l’exploit de rendre Tilda Swinton insupportable, tant le personnage grotesque semble exagérer chaque situation comique. Seul le duo Bill Murray et Adam Driver et son humour pince-sans-rire fonctionnent.
On ne sait finalement pas quoi penser de The Dead Don’t Die, tant Jarmusch navigue dans tous les sens, sans jamais prendre de franche direction. Le résultat est loin d’être convaincant, souvent brouillon mais surtout problématique. Quel étrange film d’ouverture pour une édition qui cherche à servir d’égide au cinéma de genre.