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HOW TO HAVE SEX

Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, est-elle vraiment libre d’accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?

CRITIQUE DU FILM 

On pourrait presque sentir l’air iodé, les corps moites, les effluves d’alcool et l’odeur des frites dévorées au petit matin, après une nuit sans sommeil. Dès les premières minutes de How to have sex, nous ne sommes plus dans une salle de cinéma. Nous voilà propulsés à Malia, en Crète, en compagnie de Tara, Skye et Em, plongés dans l’euphorie la plus totale des premières vacances entre copines, celles durant lesquelles on chante à tue-tête, tout est possible et rien n’est grave. Présenté cette année à Cannes, le premier long-métrage de la réalisatrice britannique Molly Manning Walker a reçu le prix Un Certain Regard. Car au-delà de sa faculté à nous immerger au cœur des folies adolescentes, le film aborde, avec justesse et empathie, la douloureuse solitude que l’on peut ressentir au milieu de la foule.

Jungle adolescente

Nombreux sont les teens movies qui romantisent et esthétisent la période pourtant si complexe de l’adolescence. Si de multiples cinéastes ont abordé cette thématique, on s’identifie rarement aux représentations du mal-être qui peut accompagner le passage de l’enfance à l’âge adulte. Molly Manning Walker saisit quelque chose de très juste dans son approche de l’adolescence, qu’elle représente notamment à travers des amitiés contradictoires, souvent caractéristiques de cette période de vie. Dans How to have sex, nous faisons partie de la bande de copines et nous vivons chaque instant de leurs vacances, de l’angoisse du retard à l’aéroport au mal de tête des lendemains de fêtes. 

Chaque personnage joue un rôle au sein du groupe et très vite on décèle un écart qui sépare Em et Skye de Tara. Cette dernière vit sa virginité comme un poids social qui la marginalise au sein de son propre cercle. Sociable, pétillante et emplie d’une joie de vivre communicative, Tara s’intègre, en apparence, parfaitement dans le scénario idéal des premières vacances entre copines. Pourtant, comme de nombreux adolescents, elle subit les insupportables injonctions à la sexualité, des remarques de Skye aux jeux toujours plus dégradants qui ponctuent les fêtes auxquelles les amies participent. Sans jamais juger, How to have sex raconte habilement le lien indéfectible qui semble unir les amitiés adolescentes dans les bons moments et comment ce même lien peut s’avérer superficiel, voire toxique, notamment lorsqu’il est mis à l’épreuve des injonctions sociales. 

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Détresse commune et silencieuse

Lorsque les trois jeunes filles rencontrent un autre groupe de touristes et décident de passer plusieurs de leurs soirées avec eux, l’objectif est presque imposé à Tara par ses amies : sa première expérience sexuelle doit avoir lieu pendant le séjour. Dans un excès de jalousie ou de besoin d’attention, Skye ira même jusqu’à exposer l’intimité de son amie lors d’un jeu. Alors qu’un cercle amical sain devrait être un abri où l’on peut être soi-même, Tara se sent de moins en moins à l’aise. Sa virginité ne semble plus lui appartenir, mais plutôt faire l’objet d’une pression sociale absurde et pourtant représentative des mœurs actuelles. 

How to have sex aborde ainsi, d’une manière à la fois très simple et sensible, les agressions sexuelles et la nécessité de remettre le consentement et le plaisir, notamment féminin, au cœur de discussions sans tabous. Mia McKenna-Bruce, l’interprète de Tara, est incontestablement l’une des forces du film. Dans de nombreuses scènes silencieuses, l’actrice parvient en un regard à véhiculer le sentiment de détresse de son personnage. Nombreuses seront celles qui pourront s’identifier à Tara, et les autres n’auront aucun mal à comprendre son incapacité à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu, dans une société où bon nombre de victimes sont priées d’apprendre à « vivre avec ». Lorsqu’à la fin du film, interrogée par Em, elle commence à sortir du silence, on prend pleinement conscience du long chemin qui reste à parcourir pour faire évoluer les mœurs. 

Dans How to have sex, Molly Manning Walker lève le voile sur des sujets nécessaires, avec une sincérité presque pédagogique. En racontant l’histoire de Tara, elle s’inspire d’anecdotes et de situations que nous avons tous vécues, pour nous encourager, depuis notre point de vue de spectateur, à nous questionner et à communiquer. « J’espère que le film permettra d’ouvrir la conversation autour du consentement et du sexe. J’espère que nous commencerons à parler du plaisir féminin et de comment apprendre aux jeunes adultes à avoir des relations sexuelles. » a déclaré Molly Manning Walker au Festival de Cannes.

Bande-annonce

15 novembre 2023 – De Molly Manning Walker, avec Mia McKenna-BruceSamuel BottomleyLara Peake


Cannes 2023 – Prix Un Certain Regard




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