ENZO
Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.
Critique du film
« Un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo« . Ce carton marquera forcément les esprits cinéphiles dès l’ouverture, du film comme de la Quinzaine des Cinéastes, apportant une part d’affect supplémentaire à la découverte d’Enzo, dernier projet du lauréat de la Palme d’Or 2008, décédé il y a tout juste un an. Alors que Laurent Cantet se savait malade, son compagnon artistique, qui a eu pendant quelques années une position assez unique auprès de lui (il a monté six de ses films et co-écrit cinq), a poursuivi le projet tout en honorant « sa vision des conflits humains ».
Comme L’atelier, cet ultime film de Cantet se déroule à La Ciotat et réunit une troupe d’acteurs débutants autour de comédien·ne·s confirmé·e·s. Ici, Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino incarnent les parents de l’adolescent du titre, campé par le nouveau venu, Eloy Pohu. À travers ce personnage peu loquace et solitaire, Laurent Cantet souhaitait brosser le portrait d’un jeune apprenti qui sort de la trajectoire scolaire et de ses outils de contrôle de l’orientation (Parcoursup est clairement visé) et qui tente de se confronter à la brutalité du monde qui tranche avec son rang social, très privilégié. C’est ainsi qu’il découvre la réalité du travail ouvrier sur des chantiers de maçonnerie et la camaraderie auprès de ses collègues plus âgés, notamment au contact de Vlad et Miroslav, deux immigrés ukrainiens que leur patrie veut rappeler au front pour combattre l’ennemi russe.
Ancré dans notre inquiétante actualité, Enzo raconte le désarroi d’une jeunesse en quête de sens et d’avenir, alors que le dérèglement climatique, le contexte social en France et l’équilibre géopolitique du monde se dégradent à vue d’oeil. Comment, et surtout pourquoi devrait-il trouver sa voie et envisager l’avenir alors que celui-ci est si incertain ? Ainsi, c’est comme si les perspectives que lui offraient ses parents (un quotidien paisible, à profiter du soleil au bord d’une piscine, et un avenir assuré grâce à des écoles privées) devenait indécent. Pourtant, l’adolescent se contient, malgré un mal-être évident.
C’est en Vlad qu’il trouvera une échappatoire et une figure tutélaire troublante, avant de devenir progressivement l’objet de son désir. Le film emprunte alors des sentiers plus incertains, dans l’exploration de cette libido nouvelle, sans chercher à s’affirmer totalement. Mais ce désir d’Enzo envers Vlad est-il réellement sexuel, seulement érotique ou simplement une projection ? Longtemps le film n’y répond pas, ne cherche pas à statuer réellement – et c’est tout aussi bien – ce lien entre eux qui ne semble pas se limiter à des sentiments ou du désir. C’est comme si, finalement, Enzo cherchait avant tout un complice et un confident face à l’incertitude du présent, mais que cette relation, barrée de plusieurs obstacles, restera entravée par un certain masculinisme, les deux garçons étant bien incapables de verbaliser leur trouble et leur attachement, la pudeur se transformant bientôt en agressivité réciproque.
Présenté en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes, ce drame initiatique qui explore les tensions entre héritage familial, émancipation personnelle et découverte de soi, ne trouve pas toujours la bonne tonalité, mais s’inscrit dans la continuité du cinéma social et humaniste des deux auteurs.
Bande-annonce
18 juin 2025 – De Laurent Cantet et Robin Campillo