ELVIRA MADIGAN
Cycle Hello Summer
À l’occasion de sa ressortie en salle, avec 10 autres films du cinéaste suédois, Elvira Madigan de Bo Widerberg renaît dans toute sa splendeur : une tragédie solaire au cœur de l’été.
C’est un film de lumière et de mort, d’herbes hautes et de crépuscules. Avec Elvira Madigan, chef-d’œuvre absolu de Bo Widerberg ressorti en version restaurée le 11 juin, le cinéma retrouve l’une de ses œuvres les plus délicates et les plus douloureuses. Tourné à la fin des années 1960 avec une liberté presque tactile, le film suit l’amour impossible entre une funambule et un officier déserteur, consumés par leur passion et promis à une fin sans retour. On croit connaître l’histoire, mais c’est dans sa mise en forme que le miracle a lieu.
Widerberg, qui revendiquait haut et fort son opposition au formalisme de Bergman, filme ici au plus près du monde sensible. Caméra à l’épaule, lumière naturelle, plans volés dans les champs, captés dans le souffle du vent et l’ombre portée des feuillages. Jamais la nature n’a semblé aussi complice d’un drame. Elvira Madigan regarde la beauté comme une fatalité, et la vie comme un instant suspendu.
Porté par les performances incandescentes de Pia Degermark (Prix d’interprétation féminine à Cannes en 1967) et Thommy Berggren, le film irradie de présence et de fragilité. La musique de Mozart — notamment le célèbre Andante du Concerto n°21 — accentue l’impression d’un monde au bord de l’extinction, où l’amour devient le dernier refuge face à l’ordre militaire, social, patriarcal.
À l’heure des restaurations patrimoniales, rares sont les films qui retrouvent autant leur puissance d’origine. Celle d’un cinéma qui ose le lyrisme sans emphase, la beauté sans cynisme et la poésie sans artifice. Elvira Madigan, bijou tragique du cinéma suédois, redevient ce qu’il n’a jamais cessé d’être : une épure, une brûlure et une élégie. S’y replonger, à quelques jours du solstice d’été, c’est l’assurance de traverser un grand moment de cinéma.