Dans la peau de Blanche Houellebecq

DANS LA PEAU DE BLANCHE HOUELLEBECQ

En Guadeloupe, Blanche Gardin préside un concours de sosie consacré à Michel Houellebecq. Michel s’y rend, mais des événements imprévus vont plonger notre duo au cœur d’une intrigue rocambolesque…

Critique du film

“Le rire est le premier pas vers la libération. On commence par rire. On rit donc on se libère. On se libère donc on peut combattre.” C’est avec ces mots, citation de la journaliste guadeloupéenne Maryse Condé, que s’ouvre Dans la peau de Blanche Houellebecq. Le ton est donc donné, Guillaume Nicloux a choisi son camp quant à savoir si le rire est une arme comme une autre. Pour clore sa trilogie satirique, le cinéaste embarque sa muse Michel Houellebecq dans une comédie anticolonialiste et le place face à Blanche Gardin. On sourit alors à l’idée de voir ces deux figures qu’on sait idéologiquement opposées se donner la réplique.

Dans la continuité de la collaboration des deux hommes, l’histoire protéiforme que constitue Dans la peau de Blanche Houellebecq continue de brouiller la frontière entre fiction et réalité. À ces fins, Houellebecq, bon client et acteur de fortune, s’amuse avec son image publique avec désinvolture. De son côté, déjà habituée à ce procédé (voir sa géniale série La meilleure version de moi-même), Blanche Gardin est ici également… elle-même. Mais bien malins ceux qui arriveraient à déceler le vrai vrai du faux vrai, tant cette comédie multiplie les points de vue et joue avec les représentations, les références historiques, politiques et sociétales.

C’était aussi l’occasion de désamorcer, sur fond de prise conscience post colonialiste, l’affaire du Front Populaire (revue d’extrême droite qui publia un entretien calamiteux aux propos racistes que l’auteur a eu avec Michel Onfray). Pour ce faire, Nicloux nous montre un Houellebecq sans cesse dépassé par les événements. On le découvre au début du film dans un appartement où tout indique qu’on est chez quelqu’un d’inoffensif et de légèrement déphasé. Des gens qu’il connaît plus ou moins débarquent chez lui, au milieu d’objets aussi triviaux que des coffrets DVD de Desperate Housewives, d’une râpe à fromage en forme de Tour Eiffel ou encore de livres de développement personnel pour réussir son couple, peuplant une bibliothèque fournie sans snobisme. Loin de l’image d’un auteur polémique à succès qu’on pourrait avoir.


L’idée de placer une telle personnalité, et ses casseroles, au centre d’une histoire confrontant le passé esclavagiste de la France et au politiquement correct est à la frontière de la provocation et de la farce. Il faut dire qu’avec sa tête de cocker maltraité et son goût immodéré pour l’intoxication, Houellebecq, ce gringalet mastodonte des ventes de romans qui fait tant couler d’encre en dehors de sa propre plume, est malgré lui un vrai personnage comique. Dommage, alors, que Nicloux n’utilise pas cette personnalité à meilleure escient. Au lieu de le confronter à la charge politique véhiculée par le film, le réalisateur se contente de miser sur le potentiel involontairement humoristique de Houellebecq, comme on le ferait d’un personnage de BD.

Parfois décousue mais souvent très drôle et surtout trop fine pour rivaliser avec d’autres productions françaises jouant sur le même créneau, cette comédie a la bonne idée de s’intéresser à des sujets historiques et politiques, aux notions de sexisme et d’appropriation culturelle, sans pour autant en faire son ressort principal. On pense notamment à la scène de présentation des sosies qui, si elle prête à rire, aurait pu dans les mains d’autres auteurs, être la scène comique-clé du scénario.

C’eut peut-être été trop facile et bien éloigné des enjeux et de la vision de Nicloux, qui préfère situer la scène mémorable de son film dans une limousine non climatisée où des échanges tant absurdes que réalistes fusent à propos de la culpabilité blanche, ou plutôt de son absence, face aux dégâts de l’époque esclavagiste, avec une descente de champignons hallucinogènes en toile de fond. Pour résumer, ce film est un parfait exemple d’une comédie qui sert son sujet et non l’inverse. D’une manière globale, c’est aussi pour Nicloux l’occasion de s’intéresser notre société en l’état, en insérant aussi bien des images réalisées par IA que des questions pertinentes sur notre héritage colonialiste, à travers des extraits télévisuels d’intellectuels.

Bande-annonce

13 mars 2024De Guillaume Nicloux, avec Blanche Gardin, Michel Houellebecq et Luc Schwarz




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