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LE DERNIER DES JUIFS

Bellisha a 27 ans et mène une vie de petit retraité, il va au café, fait le marché, flâne dans la cité… Il vit avec Giselle, sa mère souffrante qui sort très peu et à qui il fait croire qu’il est solidement intégré dans la vie active. Quand Bellisha vit au jour le jour sans réel projet, Giselle parle tout le temps de déménager, de fuir le quartier et la cité où il ne reste plus aucun juif, sauf eux deux.

CRITIQUE DU FILM 

Partir, pourquoi ? Et puis pour aller où ? Le sujet plane au-dessus du premier long-métrage de Noé Debré, qui voit Bellisha, un anti-héros dont le manque d’ambition n’aurait d’égal que sa bonhomie, en jeune homme qui semble déconnecté de la réalité pour mieux profiter de la vie, s’occuper de sa mère, suivre son cousin dans ses plans douteux et honorer ses rendez-vous avec la voisine avec laquelle il passe régulièrement du bon temps.
Cette comédie bourrée d’humanité qui fait franchement rire dans sa première moitié pour se muer en quelque chose de plus profond par la suite est un film réjouissant à plus d’un titre.

La finesse du scénario d’abord, qui se ressent dans l’évocation sincère, complexe et contemporaine de la judéité, ce qui la constitue et ce qui la conditionne. Bien loin d’une certaine tendance dans le cinéma français, le projet n’est pas d’enchaîner les clichés en capitalisant sur l’aspect réducteur propre à une religion ou une culture pour en grossir certains traits. En abordant la culture juive sans détour, parfois même en s’en moquant gentiment, Le Dernier des juifs questionne ce paramètre à travers le prisme de la famille, du poids de ses traditions et de ses attentes, mais aussi à travers la notion de territoire, question ô combien sensible dans ce contexte.

Espaces en mutation

Où se sent-on chez soi ? Dans le pays de nos ancêtres ? Au milieu de nos semblables ? Là où on a grandi ? Le film n’apporte pas de réponse précise mais en donne des pistes. Il parle autant du sentiment d’appartenance que l’on peut avoir avec un lieu que de la mutation des espaces urbains dans lesquels il arrive qu’on ne se sente plus à notre place. Malgré cet ancrage que l’on sent nourri de réflexions personnelles, on doute qu’il y ait une quelconque parabole derrière cette comédie. S’il parle de ces sujets sensibles et sérieux, Debré s’autorise à le faire avec un humour engageant et généreux et surtout, avec un humour qui se fait aux dépens de personne.

Pour incarner la mère, femme tendre et finalement pas aussi déphasée qu’elle en a l’air, et le fils, ce jeune homme bien dans ses pompes de vingtenaire qui ne se pose pas trop de questions, Noé Debré a choisi Agnès Jaoui et Michael Zindel. Soit une de nos plus grandes actrices et un débutant très prometteur. Ce combo gagnant, d’une justesse et d’un naturel confondants, fait des étincelles. Agnès Jaoui, tout en sagesse et en contenance, n’a besoin que d’un regard, d’une expression pour véhiculer les émotions de Giselle, personnage toujours légèrement inquiet et pourtant jamais alarmiste face à l’adversité. À nouveau, on sent l’envie chez Noé Debré de dépoussiérer une figure outrancière et un peu éculée du cinéma, celle de la “mère juive”, ce personnage vu et revu, souvent montré comme dramatique et intrusif, devenu depuis matrice d’un certain type d’humour.

De son côté, Michael Zindel prête ses traits mélancoliques et sa silhouette de Gaston Lagaffe pour faire de Bellisha un personnage fort attachant, auquel on peut aisément s’identifier tant l’envie de se soustraire aux injonctions sociales et familiales se fait parfois ressentir. Après une carrière florissante en tant que scénariste et la réalisation de quelques courts-métrages, le premier long de Noé Debré n’était qu’une question de temps. Le Dernier des juifs est donc un virage réussi. Le résultat est modeste et sensé mais surtout très drôle et promet de faire un bien fou à la comédie française.

Bande-annonce

24 janvier 2024De Noé Debré, avec Michael Zindel, Agnès Jaoui et Youssouf Gueye.




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