still_dargent-et-de-sang

D’ARGENT ET DE SANG

L’arnaque du siècle, survenue en France et en Europe entre 2008 et 2009. Des milliards partis en fumée sur le nouveau marché financier des « quotas carbone » inventé pour lutter contre le réchauffement climatique. L’association d’escrocs de Belleville avec un trader des beaux quartiers, traqués par un enquêteur obsessionnel. Quand les passions humaines se déchaînent au-delà du simple intérêt.

Critique de la série

Il y a des sujets que l’on ressasse et qui passionnent toujours. Lorsque Canal+ diffusa D’argent et de sang en cette fin d’année 2023, la peur de la redite se dissipa en un claquement de doigts. La réussite probante du format est de parvenir à expliquer en quelques minutes la tentaculaire escroquerie à la taxe carbone, sans perdre de vue le potentiel cinématographique captivant de cette arnaque sans précédent. Entre Belleville et le 16ème arrondissement, entre la France et Israël, entre les coups frontaux de la police et les imperceptibles données de tableurs Excel, l’entrechoc des générations, des camps et des classes sociales distille un terrain de jeu fertile à la caméra du Césarisé Xavier Giannoli.

Son style proche de son idole Martin Scorsese fait des merveilles, tant dans l’approche terre à terre des situations que dans la manière de cadrer le récit, le rendre vivace sans verser dans l’éparpillement gratuit ou offensant. A l’inverse de son dernier long Illusions Perdues, Giannoli réussit ici à tendre ses intrigues vers un objectif moins signifié : sonder les abîmes d’âmes humaines enfouies, parfois refoulées derrière l’ostentatoire et les magouilles. Le réalisateur a cette faculté de toujours jouer sur les non-dits et d’avancer face cachée vers ses buts pour ne pas déséquilibrer le fil très mince entre l’empathie et le dolorisme, l’enquête et les états d’âme personnels.

d'argent et de sang

Outre son sujet à tiroirs extrêmement alambiqué, la profondeur de la série s’explique en partie par la caractérisation de ses personnages farfelus. Un policier coupé de la foi en lutte contre ses démons familiaux, un fils à papa trentenaire en échec scolaire, des malfrats à la petite semaine qui ne savent ni lire ni écrire : il y a dans D’argent et de sang un panorama spectaculaire du microcosme du business à l’ère de l’ultra-libéralisme. Chaque épisode prend le temps de disséminer les peurs de chacun et les liens qui se distendent entre leurs proches ou eux-mêmes. Ces détails conventionnels sont renouvelés par l’approche assumé du cercle vicieux de l’arnaque : l’empathie ne naît que de la suspicion ou de la peur, et non d’un bagage introspectif surgonflé pour faire pencher la balance du côté d’un personnage par rapport à un autre.

A noter les performances de Ramzy Bedia, sidérant de mimétisme avec Marco Mouly qu’il retranscrit à l’écran ; et Yvan Attal, ici figure spectrale du banditisme international, là-bas vieux routard du crime dépassé par la tournure néo-bourgeoise du détournement de fonds en cours. La deuxième partie de la série est prévue pour le premier trimestre 2024 sur les ondes du groupe Canal, et il est difficile de ne pas avoir hâte de la découvrir.


2e partie sur Canal+ dès le 22 janvier 2024




%d blogueurs aiment cette page :