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UN HOMME EN FUITE

Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de cette ville ouvrière, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque l’écrivain Paul Ligre apprend la nouvelle, il quitte précipitamment Paris pour se rendre dans sa ville d’origine pour retrouver son ami d’enfance avant la police. Seulement, l’enquête d’Anna Radoszewski la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny…

CRITIQUE DU FILM 

Nos rêves d’enfants sont toujours valides et la condition adulte ne devrait jamais nous priver de cette croyance, quelle que soit notre réalité. Les idéaux forgés à l’époque où les amitiés se renforcent au gré des excursions fantasmées en aventures ne devraient jamais s’étioler malgré les trajectoires et les évolutions. Tels sont les messages, idéalistes et donc un peu naïfs, d’Un homme en fuite, postulat sur lequel tente de s’articuler une histoire mêlant enquête policière, lutte sociale, grand banditisme et donc, secrets d’enfance. Que les secrets en question s’avèrent être plutôt inoffensifs n’est pas la raison principale du déséquilibre de ce film.

Au-delà du fil rouge qui lie Paul et Johnny à la vie, à la mort, et dont la vraisemblance faiblie à mesure que se déroule l’intrigue, c’est une accumulation de clichés qui mettent à mal la crédibilité du scénario. Cliché, donc, le « gimmick » de la flic (Léa Drucker) qui revient enquêter dans son bled d’origine, des années après avoir tenté de sortir de cette condition pour réussir en métropole. Cliché, également, celui de l’enfant du pays (Bastien Bouillon) en perpétuelle lutte contre son propre camp social, revenant lui aussi ses terres après avoir coupé les ponts pendant près de 15 ans sans beaucoup d’explications et retrouvant ainsi son amour de jeunesse.

Paul, en tant que fils d’un entrepreneur et d’une médecin et donc, issu de la bourgeoisie locale, est l’exact opposé de son meilleur ami Johnny, élevé quant à lui dans un milieu très défavorisé. La traduction de ces oppositions sociales confine parfois au manichéisme simpliste (Johnny enrage de sa condition, Paul deviendra son allié contre l’injustice, quitte à se brouiller avec ses bourgeois de parents) qui restera ancré dans les convictions de Paul, même après ses grandes études littéraires et la publication de son premier roman. Il est l’enfant prodige qui donne bonne mine à la figure du transfuge de classe qui, malgré la réussite, n’a pas vendu son âme au diable.


À force de ne pas vouloir oublier d’où il vient et trahir l’enfant qu’il était, il s’embarque sans vraies justifications (culpabilité ? honneur ? amitié ?) ni beaucoup d’états d’âme dans une série d’actions absurdes pour sauver son ami de toujours. C’est comme si Paul et Johnny, le fameux homme en fuite dont le film forge la légende à coups de flashbacks répétitifs, avaient refusé de grandi et étaient restés des enfants dans des corps d’adultes.
Face à ce constat, on regrette également le fait que certains éléments nourrissent un imaginaire narratif de manière factice.

Comme les luttes sociales, que l’on présente sous une forme uniquement contestataire et complètement dépolitisée, ou bien le personnage de Léa Drucker. Certes, l’arrivée d’un policier sur une scène de crime est souvent au cinéma un point de départ commode pour une affaire crapuleuse, mais pourquoi se donner la peine d’écrire une intrigue secondaire pour lui donner si peu de substance et, finalement, réduire à ce point son importance ? Même chose pour la géographie des lieux avec ce décor des Ardennes, utilisé en ouverture pour planter le décor et convoquer une étrangeté très cinématographique, à la manière de Twin Peaks.

On sent bien l’envie de s’ancrer à un territoire, de conférer à cette histoire une aura propre à ces décors austères charriant naturellement leur dose de mystère. Malheureusement, à aucun moment le scénario ne se sert de cette matière pour l’incorporer dans son récit. Les événements pourraient se dérouler dans le Var, en Vendée ou dans les Landes, ça ne changerait rien à l’histoire. Dommage, on aurait aimé un bon thriller territorial, au tout du moins, une histoire plus réaliste.

8 mai 2024 – De Baptiste Debraux, avec Bastien Bouillon, Léa Drucker et Pierre Lottin.




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