KINGDOM OF THE PLANET OF THE APES

LA PLANÈTE DES SINGES – LE NOUVEAU ROYAUME

Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l’état sauvage et vivent en retrait. Alors qu’un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l’amènera à questionner tout ce qu’il sait du passé et à faire des choix qui définiront l’avenir des singes et des humains…

Critique du film

Comment réussir son héritage ? En 2011, Rupert Wyatt s’était posé la question en commençant une nouvelle trilogie de La Planète des Singes avec Les origines. Avant lui, Tim Burton s’était cassé les dents sur le sixième volet de la franchise, en 2001. Wyatt avait nettement mieux géré la question, signant une œuvre questionnant notre rapport à la science et aux notions de bien et de mal. Mais c’est Matt Reeves qui a réussi à apporter à la saga un véritable renouveau, avec les deux films suivants : L’Affrontement et Suprématie. Autour de l’emblématique César d’Andy Serkis s’est formé l’un des meilleurs reboots de franchise, qui n’avait a priori pas besoin de suite.

Mais Hollywood et la Fox étant ce qu’ils sont, il était logique de voir un jour la saga revenir sur nos écrans. Aux commandes, Wes Ball, réalisateur de la très inégale et imparfaite trilogie Le Labyrinthe. Difficile d’être pleinement serein à l’annonce de ce projet, et pourtant : Le Nouveau Royaume est une surprenante réussite. Reprenant les rênes après une trilogie qui avait gagné en qualité au fil des opus, le réalisateur du futur The Legend of Zelda a fait de l’importance de l’héritage le centre de son film. Celui-ci commence par l’enterrement de César, chef charismatique des singes de son temps, à qui il a permis de retrouver leur liberté.

Des générations plus tard, César a atteint le statut de mythe dont on questionne l’existence. Les hommes ont laissé la place à leurs cousins, qui règnent désormais en maître sur la planète bleue. Devenu muet, l’humain a retrouvé son état de primate, alors que les singes ont fait de la parole leur outil de communication principal… et chassent la race qui les a autrefois exploités. Le jeune Noa, fils du chef de son village, doit du jour au lendemain faire face à un clan rival, dont les membres prétendent être les héritiers spirituels de César. Ces usurpateurs, les « Masques », ont recréé les instruments de torture qui traumatisaient leur espèce dans Les origines, pour à leur tour asseoir leur domination.

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Respecter la mémoire

Le Nouveau Royaume évite le piège du manichéisme, faisant de chaque singe et humain un personnage intéressant et complexe. Mais avant de plonger dans de passionnantes réflexions sur le devoir de mémoire et la figure messianique de César, Wes Ball entraîne son protagoniste Noa — loin d’être aussi charismatique que son prédécesseur — dans un road-movie à travers la forêt. Il croise la route du dernier membre de l’Ordre de César, l’orang-outan Raka (qui a lui aussi le rôle de vieux sage, comme Maurice dans la dernière trilogie) et la jeune Mae (Freya Allan, The Witcher), une humaine nettement plus intelligente que ses semblables. Une partie probablement nécessaire, mais qui aurait gagnée à être raccourcie. En prenant son temps, Wes Ball peut toutefois tisser les fils d’un monde que l’on a hâte de retrouver dans les prochains opus.

Les magiciens de Wētā FX sont parvenus à recréer des spécimens aussi convaincants que ceux de Suprématie. Et même si l’on sent l’influence du Labyrinthe dans les décors post-apocalyptiques du Nouveau Royaume, Wes Ball a réussi à filmer ses singes avec une élégance jusqu’ici étrangère à sa filmographie. Les séquences dans l’eau — et il y en a beaucoup — sont toutes faites en CGI. Un exploit quasiment impossible à concevoir sans le savoir au préalable.

C’est au moment de la rencontre entre Noa et l’angoisse principal que le film traite le mieux son sujet — promettant de belles choses pour la suite. Proximus est le roi autoproclamé des singes, qu’il enlève et esclavagise pour servir son nouveau royaume. Ses disciples déforment les propos de César, qui ont traversé le temps comme ceux de tous les meneurs charismatiques de notre espèces, bons ou mauvais. « Singes, ensemble, forts », répétait le héros dans la trilogie de Wyatt et Reeves. Un mantra mis à mal par Proximus, qui utilise le nom de son ancêtre pour justifier les atrocités qu’il fait subir à son espèce. Quelles traces laissent les grandes personnalités dans notre histoire, et comment s’assurer que leur mémoire soit respectée ?

planète des singes le nouveau royaume

Le troisième acte contient malheureusement les meilleurs et les pires côtés du Nouveau Royaume : une cascade d’informations déversée sur le spectateur sans réelle explication, en plus d’un antagoniste fascinant et tristement sous-exploité. Bien loin du temps d’écran de Koba dans les films de Reeves, Proximus se révèle aussi passionnant qu’accessoire. De même pour Trevathan, humain incarné par William H. Tracy (Fargo, Magnolia) dont les motivations auraient mérité d’être explorées au-delà d’un asservissement peu crédible et à peine esquissé. 

C’est avec la promesse d’une nouvelle trilogie intrigante, sur fond de religion et de devoir de mémoire, que La Planète des Singes connaît un renouveau que l’on pensait vain. Au milieu de la désolation ambiante réside une once d’espoir permise par les historiens et les rêveurs, ceux qui croient encore à une cohabitation harmonieuse entre les espèces. Une cohabitation que seul César était parvenu à créer, laissant derrière lui bien plus qu’un monde prospère, mais tout un culte qui l’a complètement dépassé.

Bande-annonce

8 mai 2024De Wes Ball, avec Owen TeagueFreya AllanPeter Macon




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