KOKOMO CITY
Daniella, Dominique, Koko et Liyah se livrent sans tabou, avec humour et lucidité sur le travail du sexe, la communauté noire-américaine, la transidentité, les rapports femmes/hommes et l’amour. D. Smith, réalisatrice, elle-même concernée par ces enjeux, offre un regard cru, nerveux et rare sur la vie de ces femmes extraordinaires. Un documentaire coup de poing, surprenant et éclairant.
Critique du film
Née en 1975, D. Smith, réalisatrice de Kokomo City, est également auteure, compositrice et interprète. Elle a collaboré avec un grand nombre d’artistes comme Andre 3000 ou Kendrick Lamar. Artiste transgenre, D. Smith s’est attirée les foudres du monde musical où elle évoluait en vivant et communiquant sur sa transition. Après un passage par la téléréalité et d’importants problèmes financiers et matériels, D. Smith s’est lancé dans la production de Kokomo City en 2023. Ce documentaire en noir et blanc, particulièrement cru et réaliste, ce qui n’exclue nullement toutes ses qualités, suit quatre travailleuses du sexe transgenres noires aux Etats-Unis.
Ces quatre prostituées reviennent en détails sur leur parcours, l’ostracisme qu’elles ont connu depuis la révélation de leur transidentité, leur activité qui les met souvent en danger et les place au ban de la société, mais leur fait aussi parfois, paradoxalement côtoyer des personnalités du monde du rap, par exemple, un milieu particulièrement machiste, où le déni et la honte empêchent souvent d’assumer des attirances, des relations tarifées ou non avec des transgenres. Et cette forme de conflit intérieur entre la libido, les pulsions ressenties et ce qu’on veut cacher, masquer ou refouler, cette contradiction impossible à assumer pour certains rend violents des hommes qui font payer à ces transgenres ce miroir qu’ils jugent insupportable. Kokomo City donne également la parole à des hommes qui ont accepté de se livrer sur leurs relations avec des transgenres, le regard des autres, la nécessité de l’acceptation.
Malgré la crudité des paroles et des confessions, Kokomo City bénéficie de toute la sensibilité de la réalisatrice qui offre un regard fin et original sur la transidentité, le monde de la prostitution mais aussi sur la communauté afro-américaine. Il s’agit d’une œuvre sincère et essentielle en cette période où des courants transphobes de plus en plus véhéments alarment. Diffusé dans plusieurs festivals, le film est dédié à Koko Da Doll, une des protagonistes de ce documentaire, assassinée peu de temps après le tournage.