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LE REPAIRE DES CONTRAIRES

Chapiteau installé au pied de la cité à Chanteloup-les-Vignes, banlieue la plus pauvre d’Ile-de-France, Le Repaire des Contraires est le théâtre de ce récit. Telle une indienne dans la ville, Neusa Thomasi, immigrée brésilienne, utilise ses armes de prédilection, le cirque et le théâtre, qu’elle met à la disposition de tous les enfants, dans cette banlieue qui a un goût de Far West. Du Brésil, elle a ramené sa chaleur humaine et des favelas, la mise en scène de l’urgence.

Critique du film

Chanteloup-les-Vignes a été le décor du film de Mathieu Kassovitz, La Haine, il y a près de trente ans. Banlieue cumulant au départ pauvreté, délinquance et taux de chômage très élevé et faisant figure de quasi-désert social – pas de café, pas de théâtre et pas de cinéma –, cette commune est le décor d’une très belle aventure humaine et artistique. Neusa Thomasi et sa troupe, la Compagnie des Contraires, interviennent dans la ville pour créer des spectacles, fédérer les jeunes de la ville et redonner espoir et fierté à une population qui pourrait se croire définitivement exclue, laissée pour compte. 

Le Repaire des contraires constitue le troisième long-métrage documentaire de Léa Rinaldi et s’avère une très belle réussite, à l’image du travail magnifique et sensible de son personnage principal, Neusa Thomasi. Au début de ce film, on assiste à l’avant-représentation d’un spectacle vivant avec les recommandations et encouragements de la metteuse-en-scène. L’accent est mis sur le plaisir de jouer, le partage, mais aussi la fierté et le courage, l’assurance. Les enfants vont avoir deux représentations à assurer sous le chapiteau et ce sera alors l’heure des adieux ensuite. Neusa Thomasi parle de la tristesse, de l’éphémère et de l’impermanence à des enfants qui, en plus d’une approche artistique exigeante, vont grandir peut-être mieux et plus vite. On est d’ailleurs frappé tout au long de ce document par la grande maturité de ces jeunes, et donc par leur capacité à vivre en acceptant l’adversité et le malheur, sans pour autant renoncer au rêve et à la beauté.

le repaire des contraires

Beaucoup d’enfants, qui ont connu et bénéficié du travail de Neusa Thomasi, étaient au départ hyperactifs ou des enfants considérés comme difficiles. L’artiste brésilienne a su les accompagner et les former, leur inculquer une sorte de philosophie de vie et leur démontrer que l’art, le spectacle vivant s’adressent à tous, même aux plus démunis et à ceux dont les autres n’attendaient plus rien. Neusa porte en elle également un passé traumatique, douloureux. D’où, peut-être, ce mélange de force impressionnante et de bienveillance, de générosité. Plusieurs fois menacée de mort, elle a parfois du se résoudre à ce que certains de ses spectacles se déroulent sous la protection de la police. Car elle dérange, et son travail aussi. Elle est une femme libre et laïque, refusant de baisser les bras, mais peut-être aussi de laisser l’espace aux seuls trafiquants qui souhaiteraient moins de publicité autour de la ville et plus de discrétion. 

Malgré tous les revirements, obstacles, dangers et menaces, Neusa reste et se montre combattive, aimante et philosophe. La caméra de Léa Rinaldi suit avec intelligence, sensibilité et humilité ces parcours – celui de Neusa, et ceux de quatre enfants –, consciente de la force qui se dégage de la simplicité et de l’exemplarité de cette histoire singulière et émouvante. Cette histoire est très forte également car elle part d’une initiative individuelle pour s’inscrire dans le collectif avec un esprit, au sens fort du terme, c’est-à-dire une aventure spirituelle où sont convoqués les Indiens, à la sagesse légendaire et dont le souffle de vie apaise les blessures et les angoisses. Une très belle leçon de vie, de courage et de résilience où les valeurs profondes sont exaltées. 

Bande-annonce

1er novembre 2023 – De Léa Rinaldi, avec Neusa Thomasi

 




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