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LES ÂMES PERDUES

En 2014, un mystérieux déserteur, portant Ie nom de code César, divulgue des dizaines de milliers de photos des victimes du régime syrien, morts sous la torture. Alors que les suppliciés sombrent dans l’oubli et que des milliers de civils disparaissent, leurs familles, leurs avocats et un petit groupe d’activistes tentent de déposer des plaintes dans des tribunaux européens. Ce film raconte les rebondissements d’enquêtes et de procédures qui conduiront à l’émission de mandats d’arrêts contre les plus hauts responsables de l’administration de Bachar al Assad, pour crimes contre I’humanité.

Critique du film

En cinquante ans, Hafez el-Assad puis son fils Bachar al-Assad ont régné sur la Syrie de façon impitoyable. En 2011, lors des événements du « Printemps arabe », les manifestations ont été très durement réprimées par une violence extrême. Vers 2013, des photos ont fuité. Des photos prises dans les geôles militaires syriennes. Le gouvernement faisait systématiquement prendre des clichés des victimes de la répression. Victimes de tortures abominables et d’exécutions sommaires, parfois après avoir extorqué des aveux de crimes ou délits fictifs. Un homme, au nom de code César, a pris le risque de transmettre à un activiste, Sami, des dizaines de milliers de photos. 

Le dilemme avait été trop fort pour César : ne rien dire, être fidèle eu Régime et continuer sa tâche macabre, ce qui l’aurait rendu moralement complice. Ou partir et dénoncer l’innommable, l’indicible, mais prendre en même temps le risque de mettre en danger ses parents et sa propre personne. En 2013, Sami et César quittent la Syrie et lancent des alertes auprès des grandes institutions internationales. Au Conseil de Sécurité, lorsque des mesures sont proposées au vote, un veto de la Russie et de la Chine vient compromettre une tentative de mettre un terme à la situation syrienne qui n’est plus un secret. Le documentaire Les Âmes perdues nous présente tout le cheminement, extrêmement long et pénible de victimes et de proches de victimes pour faire connaître au monde ces crimes, les faire cesser et faire juger les coupables – dont certains sont connus et cités – ou encore pour retrouver des personnes disparues et sûrement emprisonnées ou déjà exécutées. 

Stéphane Malterre et Garance Le Caisne ont réalisé, avec Les Âmes perdues, un documentaire édifiant et poignant, et ont choisi de donner la parole aussi bien aux victimes qu’aux personnes qui luttent pour faire connaître la vérité. Les photos de César, les témoignages de victimes, les confidences des avocats et enquêteurs, tout cela nous prend directement aux tripes. Le visage d’un homme qui témoigne semble tellement marqué par un indélébile traumatisme psychique et physique que ça en devient presque douloureux de le regarder et de l’écouter décrire les tortures sexuelles dont il a été l’objet déshumanisé. 

Il est évoqué la difficulté d’être avocat des droits de l’homme, avec cette injonction, difficile mais nécessaire de ne pas faire trop de promesses, tant le sentiment d’impuissance et d’injustice est fort. Le silence – complice et coupable – de la communauté internationale, la lenteur des institutions, tous les revirements et obstacles auxquels sont confrontés ceux qui recherchent la vérité et la justice semblent insupportables et incompréhensibles. Ce documentaire sonne comme une alerte, un appel au secours et nous fait voir avec un autre regard notre monde et nos institutions. 

 


Les Âmes perdues est disponible en DVD depuis le 3 octobre, édité par Blaq Out. 




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