SOUS HYPNOSE
André et Vera, un jeune couple d’entrepreneurs, a l’occasion de présenter leur application de santé féminine lors d’un prestigieux concours. Avant de s’y rendre, Vera essaie l’hypnothérapie pour arrêter de fumer. À partir de ce moment, son attitude change et elle commence à se comporter de manière inattendue…
Critique du film
André et Vera forment un couple en apparence idéal : jeunes, déterminé·e·s, parfaitement intégré·e·s dans une modernité urbaine bien ordonnée, avec leur appartement soigneusement agencé et décorés d’affiches graphiques et de lampes design. Leurs ambitions aussi sont dans l’air du temps : ils développent une application mobile censée faciliter l’accès aux soins pour les femmes, qu’ils viennent présenter lors d’un séminaire d’entrepreneurs « inspirants » dans un hôtel chic et tendance. C’est là que commence Sous hypnose, comédie grinçante du Suédois Ernst De Geer, qui prend un malin plaisir à fissurer les apparences et les dogmes d’une jeunesse bourgeoise prétendument progressiste.
Si la satire n’est jamais frontale, elle s’infiltre dans les sourires forcés, les encouragements faussement bienveillants, l’obsession de la posture. Le monde de la start-up devient ici un théâtre d’ombres modernes où règnent la langue de bois inclusive, la gestion émotionnelle optimisée et la peur panique de tout dérapage, à l’image de cette homme qui dissimule bien mal son insécurité et cherche à contrôler sa compagne, plus spontanée et créative. Et c’est justement le dérapage de Vera, à la suite d’une séance d’hypnose anodine, qui fait chavirer ce monde et leur équilibre de façade. Son comportement change : elle devient plus directe, plus joueuse, plus irrévérencieuse aussi. Ce qui est d’abord amusant pour les autres invité·e·s devient vite une menace pour l’ordre établi, quand la jeune femme semble reprendre enfin sa liberté.
La transformation de Vera agit comme un révélateur des failles de son environnement. À travers son irrévérence croissante, Sous hypnose explore des thématiques plus profondes qu’il n’y paraît : le conformisme émotionnel, l’injonction à la réussite, la performance constante dans l’intimité comme dans le monde professionnel. Ernst De Geer prend un plaisir évident à dynamiter ces codes avec une ironie mordante et joue avec les ressorts de la comédie de malaise, du burlesque psychologique et du grotesque social, tout en conservant cette forme d’élégance très scandinave dans la mise en scène.
On pense forcément à son compatriote Ruben Östlund, mais aussi à Yórgos Lánthimos dans cette manière de pousser les situations jusqu’au bord du ridicule, tout en conservant un fond existentiel. Mais Sous hypnose n’est pas qu’un jeu de massacre : en suivant la trajectoire de Vera, il interroge ce que signifie être sincère dans une société obsédée par la maîtrise de soi et l’image de soi. Le film est ainsi traversé par une question lancinante : et si, dans ce monde calibré et majoritairement dominé par les hommes, perdre le contrôle était le seul moyen d’être libre ?
Tout en assumant ses ruptures de ton et ses zones de flou, Sous hypnose séduit par son audace narrative et sa capacité à faire surgir le trouble dans les lieux les plus policés. Portée par la prestation absolument éblouissante d’Asta Kamma August — tour à tour lunaire, effrayante et émouvante —, cette comédie noire, absurde et parfois cruelle explore ce que coûte l’authenticité dans un monde où l’apparence est devenue une forme de vertu sociale.
Bande-annonce
25 juin 2025 – De Ernst De Geer
Avec Herbert Nordrum, Asta Kamma August, Andrea Edwards